ferma récoutille, e t , après avoir amené toutes les voiles et gardé
seulement la trinquette, on présenta la poupe au vent. Je souffris
par la tourmente, d’autant plus cruellement, que j’étais privé d’air.
Mon collègue ne fut point malade; il avait v u , pendant son voyage
aux terres australes , des mers plus agitées, des ouragans plus terribles.
Nous restâmes plus d’une heure dans notre réduit, après
quoi on nous permit de prendre l’air et de venir partager la joie de
1 équipage. Le vent s’était adouci et paraissait tourner au nord ;
les nuages se dissipaient. Les matelots demandaient du vin : lions
leur en donnâmes, en les invitant de boire avec modération : il y
avait à craindre leur ivresse avec le retour du mauvais tems. Il fit
cependant très-beau le reste de la journée : le vent faiblit de plus
en plus, la nuit fut tranquille, une partie de l’équipage dormit :
nous reposâmes fort bien, et le lendemain à notre lever, nous trouvant
fort près de T ine , nous fûmes bien aises de mettre pied à
terre pour nous reposer un instant.
Nous debarquames, à l’e st, dans une petite rade abritée par des
rochers calcaires , sur lesquels nous remarquâmes, entr’autres, le
câprier sans épines, dont la feuille est plus épaisse, plus succulente
que celle du câprier ordinaire. Nous montâmes ensuite sur une
colline pour herboriser et voir l ’intérieur de l’île; après quoi nous
fîmes voile, et vmmes mouiller, au sud, dans la rade sur laquelle
est bâtie la petite ville de San-Nicolo, qui occupe la place dé l’ancienne
capitale. La citadelle est dans l ’intérieur des terres, à quatre
milles de là , sur une colline très-élevée.
L histoire nous apprend que les Tiniens avaient fourni des
troupes aux Grecs à la bataille de Platée, qu’ensuite ils s’étaient
soumis aux Perses, ainsi que tous les habitans des Cyclades. Tine
était reume à 1 Empire d’Orient lorsque les Vénitiens, en 1207, s’en
emparèrent, et la fortifièrent au point qu’elle a résisté seule,- pendant
long-tems, aux forces othomanes.
En 1537, Barberousse , après avoir pris Scyros, Pathmos, Nio,
Stampali, Paros et quelques autres îles de l’Archipel, vint l’attaquer
avec une flotte considérable et quelques troupes de débarquement.
Il s’était déjà rendu maître d’une partie de l’île ; déjà plusieurs
villages avaient capitulé ; mais quelques secours envoyés à propos
de Candie obligèrent les Turcs de se retirer.
En 15y o, Selim I I , méditant la conquête de Chypre, envoya des
forces considérables contre cette île possédée par les Vénitiens i
l ’amiral turc qui les commandait, fit, en passant, une descente
dans Tine, ravagea la campagne, brûla quelques villages et vint
mettre le siège devant la forteresse. Le provéditeur Paruta se défendit
avec tant de courage, que les Turcs ne jugèrent point à
propos de perdre leur tems à la conquête d’une île peu importante
, qui ne pouvait manquer de tomber tôt ou tard en leur
pouvoir.
Deux'ans après, les Turcs se présentèrent avec soixante vaisseaux
; mais ils trouvèrent encore dans le courage des habitans et
la prudence du gouverneur, un obstacle qu’ils ne purent surmonter.
Ils se retirèrent après avoir ravagé l ’île de nouveau, et enlevé
quelques troupeaux, quelques femmes et quelques enfans.
En 1684, sous Mahomet IV, Morosini battit et maltraita considérablement
la flotte turque qui était venue attaquer l’île pour la
quatrième fois. Mais en 1714, sous le règne d’Achmét III, l’île se
rendit à Dianum-Coggia, capitan - pacha, qui n’avait que onze
galères et huit vaisseaux. On reproche au provéditeur Bernaitdo
Balbi de n’avoir opposé qu’une faible résistance, et d’avoir capitulé
lorsqu’il aurait dû combattre et attendre les secours que la République
était sur le point de lui faire passer.
Tine est, après Scio , le pays le plus industrieux de l’Archipel,
parce qu’il est le plus libre et le plus favorisé du gouvernement.
Aucun True ne gêne ici les habitans par sa présence, ou ne les
contraint par son autorité. L ’île a des magistrats que le peuple
nomme chaque année, et ces places, plus honorables que lucratives
, recherchées de tous , ne sont accordées qu’à ceux qui se
sont distingués par leur probité et leur dévouement à la patrie.
On y compte quarante villes ou villages, qui contiennent, suivant
les registres du gouvernement, une population de quinze
mille huit cents hommes ; savoir : dix mille Grecs et cinq mille
huit cents Latins.