C H A P I T R E V I I .
Description des environs de Constcintinople. Promenade
- du sidtaji. Etablissemens de Levens-schiflit. JManufac-
■ ture depoudiéde Saint-Stéph ano. Usage des Orientaux.
L e citoyen Descorches arriva à Constantinople le 19 prairial an 1;
il ignorait, à ce qu’il nous d it , notre mission : il n’avait reçu avant
son départ aucune instruction qui nous fût relative, et ne trouva à
la légation ni lettre ni avis touchant notre voyage. Nous lûmes
peu surpris de nous voir pour ainsi dire abandonnés, lorsque la
France , fortement agitée dans son intérieur, et vigoureusement
attaquée au dehors par un nombre considérable d’ennemis, ne pou»
vait permettre au gouvernement provisoire de porter ses regards
jusqu’à nous. Lés ministres d’ailleurs qui nous avaient envoyés au
L evan t, n’étaient plus en place ou n’existaient déjà plus.
Notre mission, subordonnée aux événemens, avait depuis long-
tems changé d’objets : nos relations politiques et commerciales avec
la Porte othomane étaient presqu’interrompues depuis la retraite
du chef provisoire, depuis surtout que les regards du gouvernement
de France paraissaient se fixer plus particulièrement sur les points
menacés, et que la plupart des chefs, guidés par un aveugle et désastreux
délire, entraînaient malheureusement la nation dans des
mesures subversibles de toute industrie et de tout commerce. L e
sort des Français établis dans le Levant dépendait de celui de la
mère-patrie : quelques revers de plus en Europe auraient suffi pour
qu’ils se vissent tous en un moment enveloppés dans une proscription
générale, tellement la Porte se montrait faible alors, et les
ennemis de la France exigeans.
Incertains si notre voyage présenterait le même degré d’utilité
à ceux qui se trouvaient, depuis notre départ, investis de l ’autorité
, et s’ils voudraient nous accorder les secours que leurs prédécesseurs
nous avaient promis, et dont nous ne pouvions plus nous
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j>âsser, nous résolûmes de retourner dans notre patrie ou d’attendre
à Constantinople, suivant l’avis du citoyen Descorches, que le mir
nistre des affaires étrangères se.fût explique à notre égard. Et pour
tirer à tout événement le parti le plus avantageux de notre vo ya g e,
nous nous empressâiûes de recueillir toutes les notions qu un séjour
de quelques mois pouvait nous perméttre ; nous parcourûmes
soigneusement la ville et les environs , et nous dirigeâmes nos pas
vers tous les lieux où nous pouvions faire quelque découverte .intéressante.'
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Quoique le terrain des environs de Constantinople soit/partout
très-propre à la vigne, aux plantes céréales , au mûrier, aux diffe-
rens arbres fruitiers de nos climats , on n’y voit presque pas de
culture 5 si ce n’est sur les rives du canal. Le sol est assez uni dans
la partie: occidentale de la ville ; il-forme quelques côteàux et de
vastes plaines , sur lesquels un peuple industrieux et agricole trouT
vërait aisément une nourriture abondante et .variée : il est inégal
et coupé de collines et de vallons dans la partie septentrionale ? c estr
à-dire, depuis le port jusqu’à la Mer-Noire. Presque tout cet espace
est schisteux j la couche végétale est plus où moins épaisse et d une
assez bonne qualité , surtout dans les vallons et dans les endroits ou
la terre est profonde ) mais soit que le génier malfaisant du despe?
tisme tarisse partout les sources de la prospérité publique, soit que
les Turcs n’aiment pas à se livrer à la culture des terres , et qu à
l ’exemple de leurs aïeux ils préfèrent le métier périlleux des armes,
le brigandage ou le trafic, il est sûr que, dans tout 1 Empire othot
man, la plupart dés meilleures terres sont abandonnées, et que ce
feont les Grecs, les Arméniens et les Arabes qui se livrent plus pàrr
ticuliérement à l ’agriculture lorsqu’ils ne sont pas trop vexes par le$
agens du gouvernement, ou tourmentés par des hordes pillardes et
dévastatrices que les pachas tolèrent ou ne peuvent réprimer.
Depuis peu d’années, des GreGS de l’Épine et de la Dalmatie ont
semé avec succès quelques terrains abandonnés des environs de la
capitale, et y ont fait des récoltes assez abondantes : leur exemple
Sera imité sans doute si le gouvernement n’y met pas des entraves,
e’il peut se convaincre qu’une terre couverte de riches moissons 9