capidgl derrière une grille qui séparait la chambre dans laquelle
nous étions , de celle où elles étaient. Nous voyions soulever , de
tems en tems, un rideau qui les cachait, et qu’elles baissaient
lorsque nous portions nos regards de leur côté. Les deux esclaves
qui étaient auprès de nous ne manquèrent pas de nous faire tâter
leur pouls, et de nous faire diverses questions : elles étaient jeunes
et fort jolies ; une d’e lles, plus hardie, malgré la sévérité de la
malade, qui la rappela plusieurs fois à la décence, ne put s’empêcher
de porter ses mains sur nos vêtemens qu’elle trouvait fort
extraordinaires, et peut-être même indécens , en ce que toutes les
parties du corps sont trop apparentes pour des personnes accoutumées
à ne voir les hommes qu’avec des vêtemens fort amples et
qui masquent tout le corps.
NouS prescrivîmes à la malade un' opiat calmant et l ’usage de
la douce-amère, que nous avions aperçue dans une de nos courses
à un village au-delà’ de Belgrade. Le capidgi nous pressa fortement
de revenir lé voir) ce que nous ne pûmes nous dispenser de faire
au bout dé quelques jours.
Lorsque nous fûmes sortis, le médecin grec nous apprit que le '
harem de cet homme était composé d’une trentaine d’esclaves
géorgiènes et circassiènes ,■ destinées à servir son épouse, jeune
princesse à qui il devait son crédit et sa fortune. C’èst depuis ce
mariage que le médecin l’avait mis à l’usage des aphrodisiaques ,
e t qu’il venait assez régulièrement chez lui pour s’informer de
leur eftfet.
Il nous instruisit pareillement des lois turques relatives au mariag
e, et nous fit part de plusieurs observations curieuses que sa
qualité de médecin l ’avait mis à portée de faire dans les harems.
Nous avons e u , dans le cours de nos voyages, des occasions de
recueillir nous-mêmes des observations sur les Musulmanes, d’é-
tudier leurs moeurs auprès des Grecques et des Françaises nées
dans le L ev an t, et de rectifier les idées qu’une trop grande précipitation
avait pu d’abord nous faire adopter. Le lecteur nous
saura gré peut-être des efforts que nous avons faits à cet égard.
La loi permet , en Turquie, trois manières de cohabiter avec les
Femmes. Tournefort a dit avec raison qu’on épousait les premières,
qu’on louait les secondes et qu’on achetait les dernières.
Les Musulmanes vivent très-retirées, et ne se montrent pas en
public sans un voile et des vêtemens qui cachent leur figure et
masquent tout leur corps : il n’y a que le mari et les plus proches
parens, tels que les pères, les frères, les oncles-germains, qui
aient quelquefois accès dans les harems, et qui puissent voir une
Musulmane à visage découvert. L ’homme qui veut se marier ne
peut connaître les charmes de la figure et les agrémens de l ’esprit
de sa future épouse, que sur les rapports de quelque parente, de
quelqu’amie ou de quelqu’entremetteuse d’un âge ayancé, Ordinairement
celle-ci donne toutes les informations dont on a besoin,
tâche d’applanir tontes les difficultés qui peuvent s’élever, dispose
et arrange toutes choses. Lorsque les parens sont d’accord entr’eux,
on fixe la somme que le mari donnera en présent à son épouse
pour le p r ix de son sang. On fait l ’inventaire de tout ce qui appartient
à celle-ci, en meubles, hardes, argent ou propriétés, parce
que tout doit lui être rendu en cas de divorce ou de répudiation.
Lorsqu’elle meurt sans enfans, le mari conserve une partie de ca
qu’il a reçu, et rend l ’autre aux pareas , ainsi qu’il eçt réglé par
la loi.
Les préliminaires remplis, le futur mari, le père ou le plus proche
parent de la demoiselle, v o n t, avec deux témoins, chez le cad i,
pour lui faire signer les articles du mariage et en obtenir une
permission par écrit. La célébration du mariage ne peut avoir lieu
que la veille du vendredi, lequel répond, chez les Musulmans,
au dimanche des Chrétiens, au samedi des Juifs. D u ou deux
jours auparavant, la demoiselle est menée au bain, où elle est
dépilée pour la première fois. Le jour des noces, elle se pare des
plus riches étoffes qu’elle peut sç procurer, et se couvre de b ijoux,
de perles, de pièces de monnaie que les parens empruntent bien
souvent. On tâche d’embellir la figure de la demoiselle, eu la
colorant de rou g è , de blanc et de bien, en peignant eu noir les
sourcils et les paupières. Dans certaines contrées on bariole ensuite
de noir les bras et les mains, o u jaunit ou noircit les ongles, on