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«érieusemént formé ce p ro je t, il auroit pu
l ’exécuter sans que l’on s’en fût aperçu. Néanmoins
les Japonois commencèrent à le surv
e ille r rigoureusement ; et même quand i l
d o rm o it, un garde assis auprès de lu i écoutoit
s’il respiroit. Si le garde n’entendoit r ie n , il
enlevoit aussitôt la couverture pour s’assurer
que M. Moor v iv o it encore. On en usoit de
même avec moi. Cette précaution ne paraîtra
pas superflue si l’on songe q u e , dans le cas
où l ’un de nous eût porté sur lui-même une
main violente , non seulement les gardes et
nos compagnons q u i nous auraient su rv é cu ,
mais aussi les gardes extérieurs qui ne p o u -
voient pas v en ir où nous étions, auraient eu
tout à craindre, tant les lois japonoises sont
bizarres et sévères.
L a prévoyance des Japonois ayant enlevé
à M. Moor l ’occasion de se tu e r , il se dégrada
au point d’essayer tous les moyens possibles
de traverser les négociations qui dévoient
avoir lieu entre nous et les Japonois. Il leur
conseilla d’exiger de nos vaisseaux la remise
de leurs canons et de toutes leurs armes, et de
les garder en dépôt pour les objets enlevés
par Ch vostoffy jusqu’à ce que le gouvernement
russe eût rendu ce qui avoit été p r is , et donné
un dédommagement pour ce qui avoit été
perdu. Les Japonois cependant n’adoptèrent
pas cet a v is , et déclarèrent que si le gou v e rnement
russe assurait que les bâtimens de la
compagnie avoient agi de leur ch e f , l ’empereur
du Japon regarderait le dégât commis
comme un vo l ; or Un monarque puissant
pouvoit-il exiger d’un autre des dédomma-
gemens pour des vols ? D’ailleurs les particuliers
qui avoient souffert dans les deu x attaques,
avoient depuis long temps été indemnisés
de leurs pertes par l ’empereur.
M. Moor étoit en proie au plus affreux désespoir.
Souvent il passôit plusieurs jours de
suite sans rien prendre, et d’autres fois il man-
geoit dans un seul jour autant que dans cinq.
Nous avions recours à tous les moyens imaginables
pour l ’engager à se calmer; nos discours
rassurans, nos motifs de consolation
ne servoient à rien. De mon côté , je n’augu—
rois rien de bon. L ’indifférence avec laquelle
les interprètes entendoient les a v eu x de
M. Moor, me sembloit incompréhensible.*
Elle formoit un contraste frappant avec l ’e x trême
curiosité que les Japonois montraient
auparavant quand ils vouloient avoir sur les
choses les plus insignifiantes une réponse