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à terre; qu’il avoit été mal nourri et mal
logé chez le commissaire des marchands qui
avoient affermé l’île ; que, s’étant querellé
avec cet homme, il avoit demandé au commandant
des Kouriles trente de ses gens et
du b ois, afin de se construire une maisonnette
en planches, et finit par nous assurer
d’un air de triomphe, qu’il y v iv o it tranquille
avec ses deux matelots. Il parloitavec
mépris du commissaire et de la compagnie
des marchands, et termina son discours par
ce proverbe japonois : « Beaucoup d’orgueil
et pas d’argent ! »
Le 20, l ’on m’annonça que Taïscho a r r i-
v o it ; c’est ainsi que mes matelots appeloient.
T a c a ta ï-C a k i : taïscho, en japonois, signifie
commandant. Caki m’avoit toujours donné
ce nom; par politesse , je le lu i rendois, et
depuis il lu i étoit resté. Supposant cette fois
que sa visite répétée avant le délai accoutumé
avoit l ’ennui pour motif, je ne lu i en
témoignai pas de surprise, et je le menai
tout de suite dans la chambre. J1 s’assit auprès
de moi, d’un air assez indifférent, tira
un papier de son s e in , et me dit : cc Cette
cc lettre ouverte arrive à l’instant de Mats-
« mai ; il paroît que l ’adresse est en russe. »
M. Filatoff, qui étoit avec nous , jeta les
y e u x sur le papier, et s’écria avec transport :
cc C’est l’écriture de Vassili Mikaïlowitsch. »
Saisi de jo ie , je pris, sans rien dire, la lettre
des mains de Tacataï-Caki; je reconnus la
main de M. Golovnin; e t, jugeant d’après la
grandeur du papier, je supposai que j’y trouverais
une relation détaillée de ce qui lu i
étoit arrivé depuis deux ans qu’il étoit en
captivité ; mais, en ouvrant la le ttre , je n’y
trouvai que ces lignes :
cc Nous tous officiers, matelots, et A le x is
cc le K o u r ile , nous sommes en vie et demeu-
<c rons à Matsmaï. Ce îom a i i 8i 5.
CC V A S S L L I G o i i O V N I N .
cc F eod o r M oor. »
Cette lettre faisoit entièrement disparôître
les doutes que nous pouvions encore avoir
sur le sort de notre capitaine et de ses compagnons
d’infortune. J’a llai aussitôt sur le
pon t, et j ’en donnai lecture à tout l ’équipage
rassemblé. Plusieurs personnes qui connois-
soient l’écriture du capitaine lurent la lettre
et remercièrent Caki par des acclamations de
joie' J’ordonnai une distribution d’eau-de-vie;