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une impression agréable. Je ne pense pas
qu’elle eût plus de d ix -h u it ans. Nous la régalâmes
de notre meilleur thé et de pain
d’épice. Elle mangea et but avec plaisir.
Quand elle partit, nous lu i fîmes quelques
présens dont elle parut bien contente. Je dis
à la jeune Russe de l ’embrasser; dès que la
Japonoise s’aperçut du désir de celle-ci, elle
la prévint et l ’embrassa en souriant. Elle retourna
à terre avec le bàïdar qui porta la
lettre de Caki.
J’étois intimément persuadé qu’enfin le
commandant de l ’île alloit faire une réponse
par é c rit, sinon à moi, du moins à Tacataï-
C a k i, et j’espérois déjà que peut - être i l
m’enverroit comme interprète Léonsâïmo,
qu’il avoit retenu ju sq u e - là , Caki ayant e x pressément
fait mention de lu i. J’étois loin
de compte : le lendemain, au lieu de m’e n v
o y e r une réponse, on tira du fort quatre
coups de canon à boulets sur nos canots qui
alloient faire de l’eau. Nous fûmes donc obli^
gés de nous en tenir à l’idée que le'comman-
dant avoit reçu la défense positive d’avo ir
aucune communication avec nous. Je méprisai
ses coups de canon qui n’avoient
produit qu’un vain bruit, et je me proposai
quand nous serions au Kamtschatka, d’interroger
à fond mon prisonnier sur tout ce que
je désirois savoir, afin de ne pas nuire à l’affaire
principale par une démarche précipitée.
L e temps continuoit à être beau; j ’ordonnai
de le v e r l ’ancre. Tacataï-Caki me pria
de permettre auparavant à ses matelots de
v en ir visiter ma corvette; ils furent admis
par détachemens ; à l’aspect de tant de choses
nouvelles, ils montrèrent la plus grande cu riosité
de connoitre l ’usage de chacune. Notre
grément surtout les surprit beaucoup; ils ne
revenoient pas de la hardiesse de grimper
jusqu’a u x hunes, et encore moins de la témérité
d a ller plus haut. Je les fis aussi conduire
dans la chambre où ils donnèrent les mêmes
marques de respect que si j ’y avois été présent.
On leur versa de l ’e au -d e -v ie de Russie
dans des gobelets d’argent, ce q u i les rendit
plus hardis et plus bruyans. Ils commencèrent
alors à s’entendre avec nos matelots,
et trouvèrent fort à leur goût les vêtemens
de drap, les boutons polis, et les cravates
de co u leu r , qu’ils échangèrent contre des
bagatelles de leur pays. Tacataï-Caki ayant
aperçu sur le gaillard d’avant quelques barriques
vides, me proposa de les faire remplir
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