« mon portrait et du sabre paternel. Mais je
cc dois auparavant t’avoue* avec la même
« franchise dont,pendanbtrois cents jours, j ’ai,
cc en toutes choses, use envers toi comme ton
cc ami, que ton message au commandant de
« Kounasehir m’a sensiblement affecté. Ta
cc menace que,dans le courant de l ’année, des
<c bâtimens de guerre viendraient à Kounas-
cc ch ir , ne me règardoit pas; mais quand tu
cc as menacé de me ramener à Ochotsk, alorS
cc j’ai v u que tu me regardois comme un
« gueux de lespece de Corodsi ; réellement
« j ’aVois peine à me persuader qu’un propos
« aussi offensant pour mon honneur eût pu
cc sortir de ta bouche. J’étois surpris de cè
cc que, durant trois cents jours, tu ne m’a vois
« dit aucune parole désagréable; tandis que,
« par un effet de mon caractère b ou illan t,
« j’étois plusieurs fois entré dans des colères
« violentes; néanmoins, dans cette occasion
cc importante, la colère l ’a emporté sur ta
cc raison, et dans une minute tu me con -
cc damnes à devenir meurtrier et suicide!
cc Notre honneur national ne permet pas à
cc un homme de ma qualité de rester p r i-
cc sonnier dans un pays étranger. T u as voulu
« me faire prisonnier ; je suis allé volontairecc
ment avec toi au Kamtschatka, comme
cc notre gouvernement le sait, car j ’ai instruit
cc le commandant de Kounaschir des raisons
cc qui t’ont porté à t’emparer de mon bâti-
cc ment. Les matelots seuls ont été emmenés
cc par to i, contre leu r volonté. T u étois le
cc plus fo r t, je me trouvois dans tes mains,
cc ma vie n’étoit pourtant pas en ton pouvoir,
cc Maintenant je vais te découvrir mon des-
cc sein secret. Dans le cas où tu aurois persisté
cc dans ton projet, j ’étois décidé à m e tuer,
cc Pour preuve de ce que je te d is , j ’ai coupé
cc les ch ev eu x du sommet de ma tête ( e n
«c même temps il me montra l ’endroit qui
cc étoit n u ) . J’ai mis ces cheveux dans la
cc même bourse qui renfermoit mon portrait,
cc Cela signifie, dans nos usages, que ce lu i
cc qui a ainsi en vo y é ses ch e v eu x i est mort
cc avec h onneur, c’est-à-dire s’est ouv e rt le
cc ventre. Ses ch e v eu x sont alors enterrés
cc avec les mêmes cérémonies qui auraient
cc accompagné l’inhumation de son corps. T u
cc me nommes ton ami; ainsi je ne te caché
cc rien.Mon animosité a lloit si loin,que je vou-
cc lois te tu e r , ainsi que ton plus ancien office
c i e r , afin d’a voir la consolation de l ’an-
« noncer ensuite à ton équipage. »