qu’elle pouvoit, dans cette occasion, se dispenser
de cette politesse recherchée. Entrée
dans la chambre, elle porta ses deux mains
à la tê te, la paume en dehors, et nous salua
profondément. Je la menai à une chaise, et
Caki lu i dit de s’y asseoir. Par bonheur pour
cette étrangère, il se trouvoit sur la Diane
une jeune femme assez jo lie , épouse de notre
plus jeune chirurgien. Dès que la Japonaise
l ’aperçut, elle en parut bien contente; elle
reprit sa gaieté, et fit à l’instant connoissance
avec elle. La Russe chercha à amuser l ’étrangère
avec les objets qui, dans l ’univers entier,
attirent les regards des femmes; elle lu i montra
ses ajustemens et ses parures. Nous vîmes
clairement que la dame japonoise pouvoit
passer pour une personne à la mode ; elle
considéra avec une extrême curiosité les
belles choses qu’on étaloit devant e lle , en
essaya quelques-unes, et témoigna son admiration
par un doux sourire. Mais la blancheur
du teint de la Russe fut évidemment ce qui
lu i fit le plus de plaisir. Elle passa ses mains
sur le visage de cette jeune fem me , comme
si elle eût soupçonné qu’il fût couvert clefard,
et ensuite se mit à rire en répétant souvent
cette exclamation : djooï} djooï (bon, bon).
M’apercevant que la dame japonoise se plai-
soit à sa nouvelle parure, je lu i présentai un
miroir pour qu’elle pût vo ir comment elle lu i
alloit : la Russe étoit derrière e lle , comme à
dessein, pour montrer la différence de leurs
teints. La première repoussa le miroir avec
une ingénuité charmante, en s’écriant : earii,
varii ( v i la in , v ila in ). E lle étoit d’ailleurs
tre s -jo lie , son visage brun et alongé avoit
des traits réguliers; sa bouche petite étoit
ornée de dents éclatantes du vernis qui lés
noircissoit ; ses sourcils déliés , noirs , et
comme tracés au pinceau, se dessinoient en
arcs au-dessus de deu x y e u x de la même couleu
r , brillans et presque à fleur de tête.
Ses chev eux noirs formoient comme u n turban
autour de sa tê te , et n’avoient d’autre ornement
que quelques petits peignes d’écaille.
Elle étoit de taille moyen n e , mince oet bien
prise. Son habillement consistoit en s ix robes
de soie fine, amples, ouatées, et semblables
à nos robes de chambre. Chacune étoit serrée
par un cordon particulier au - dessous de
la ceinture; toutes étoient de coulèurs différentes,
et celle de dessus noire. Sa vo ix étoit
douce et un peu traînante. T o u t cela joint
à une physionomie expressive produisoit
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