l ’on bût de grand coeur à la santé de nos amis
que nous avions crus morts, et pour qui, l ’année
précédente, nous avions tous été près de
sacrifier notre vie dans ce même lieu.
Caki me fit part ensuite d’une nouvelle
bien agréable qui lui étoit aussi parvenue.
I l avoit reçu de son fils de Chakodade une
le ttre , que le commandant de Kounaschir lu i
avoit remise d'une manière un peu singulière.
D’après les lois du Japon, quiconque
re v ien t des pays étrangers ne peut avoir
aucune espèce d’entretien ni de relation avec
personne. L e commandant fit donc appeler
C a k i, comme s’il eût v o u lu simplement le
charger de nous remettre la lettre de M. G o -
lovnin ; il ne dit pas un mot de celle du fils
de Caki; mais, en se promenant dans la chamb
r e , il eut l ’air de tirer par hasard ce papier
de sa poche, et le laissa tomber comme in u t
ile , puis tourna le dos pour laisser le temps
à Caki de vo ir ce que c’étoit. Caki, homme
intelligent, comprit à l ’instant cette pantomime,
et ne causa pas le moindre embarras
au commandant ; car il ramassa la lettre dans
un clin d’oe il, et ;1 a mit dans sa poche. Son
fils lu i annonçait que son commerce avoit
merveilleusement prospéré; que des navires
nouvellement construits avoient accru le
nombre de ceux qu’il possédoit déjà. Sa
mère, ainsi que la jeune épouse de Caki, sur
1 existence de laquelle ce lu i-c i avoit conçu
des craintes étant auKamtschatka, jouissoient
toutes deux d’une bonne santé ; mais la
d e rn iè re , accablée du malheur qu'il avoit
éprouvé, avoit fait le voeu de parcourir tout
le Japon en pèlerinage, et de visiter les sanctuaires
les plus fameux. E lle étoit occupée à
cette pieuse tournée. Un ami intime de Caki,
homme très - r ich e , n’avoit pas plus tôt été
instruit de son accident, qu’il avoit partagé
son bien aux p au v re s , et s’étoit retiré daHs
des montagnes écartées où il v ivo it en ermite.
Quels exemples chez une nation que les européens
regardent comme artificieuse, méchante,
vind icative, et comme étrangère au x
doux sentimens de l ’amitié ! On conviendra
pourtant que la aussi il se trouve des hommes
q u i font honneur à l ’humanité, et qu’il y
existe une vertu nationale que nous ne devrions
pas rougir d’imiter. cc Que tu es riche,
cc dis-je à C a k i, d’avoir4m tel ami ! » ce O ui,
« rep rit-il, je suis bien riche , car j ’en ai
a deux. » — cc Deux amis ! me d is - je tout