cc pas nos moeurs, et tu exigeois un sacrifice
« à mon honneur. » Je l ’avois en effet ému
quelquefois jusqu’aux larmes, mais je n’avois
p u le fléchir.
: <c Maintenant, continua-t-il, que dans mon
« ami qui a renoncé au monde je possède un
cc si grand trésor, je v eu x faire à cet ami
cc rare un sacrifice non moins rare, un sacri-
cc fice q u i, d’après les idées que nous avons de
« l ’honneur, blesse profondement le coeur
cc d’un père : j’ai résolu de rappeler ma fille
<c à la v ie et de me réconcilier avec elle , j ’en
cc instruirai tout simplement mon ami , et
« il m’entendra. »
Il me demanda ensuite la permission de
distribuer ses effets aux matelots. Il fit lu i-
mêine le partage, et donna les meilleures
choses à ceux qu’il avoit le plus connus, notamment
à notre cu is in ie r , qu’il appeloit
son ami. Quoiqu’il honorât de la qualification
de kousuri ma nourriture morale, ainsi qu’il
lan om m o it, il n’aimoit pourtant pas moins
que la nourriture charnelle fût aussi pour
lu i du kousuri. Ce qu’il donna consistait en
vêtemens de soie et de coton, en grosses couvertures
et robes de chambre ouatées; il
en avoit une si grande quantité, qu aucun
homme de l ’ équipage ne resta les mains vides.
La distribution finie, il me pria de permettre
a u x matelots de se divertir le soir, cc Taïs-
cc ch o , me d it - il, les matelots russes, les
« matelots japonois, c’est tout un. Tous
« aiment le v in , et le port de Chakodade est
« à l ’abri de tou3 les dangers. » J’avois déjà
donné double ration d’eau -d e -vie à l ’équipage
dans ce jo u r d’allegresse, je ne pus pourtant
pas rejeter la requête de mon ami Caki.
A 1 instant il envoya ses matelots à terre chercher
du v in ; et, conformément à l ’usage ja ponois
, il ordonna d’apporter aussi un paquet
de tabac, et des pipes pour chacun de
mes matelots. I l me su iv it ehsuite dans la
chambre ou j avois fait etaler les objets qui
avoient appartenu à l ’ambassade de Resa-
noff. Ils consistaient en porcelaine à dessins,
tables de marbre, et vases de cristal. «Main*
cc tenant, lu i d is -je , i l faut que tu tiennes
cc la promesse que tu m’as faite à Kounaschir.
cc Prends ce qui te fera plaisir ; ou bien, puis-
« que les hommes en dignité dans ton pays
cc dédaignent nos présens, prends tout.»— « A
cc quoi me serviront tant de belles choses,
cc r é p o n d it - il avec une franchise aimable;
« d’après nos lois, le gouvernement s’em-
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