campagnes par mer. Pour un marin accoutumé
à supporter le mouvement du roulis
d un bâtiment, la secousse verticale qu’il
éprouvé ^etant a cheval lu i fait un mal e x treme.
J ai quelquefois hasardé, pour gagner
du tgmps, de parcourir en vingt-quatre heures
deux grandes stations, chacune de quarante-
cinq verstes; mais j ’arrivois m ou lu , et j ’avois
à peine la force de manger. A u reste, la route
d automne d’Iakoutsk à Irkoutsk, que l ’on
ne peut faire qu’a cheval, est très-dangereuse,
car elle consiste principalement en sentiers
sur des pentes escarpées, qui forment les
rives de la Lena. En plusieurs endroits, les
torrens qui se précipitent dans le fleu v e ,
sont cçuverts d’une glace glissante à laquelle
les habitans des cantons-voisins donnent le
nom de nàkip (1)5 et, comme en général les chev
a u x .d’Iakoutsk ne sont pas ferré s, ils trébuchent
souvent sur cette glace. Un jour que
je ne faisois pas attention à un nakip de ce
genre très-périlleux et que je cheminois assez
v ite , je tombai; et, comme je ne pus débarrasser
mon pied de l ’é trier, je roulai avec
(1) Ce mot signifie proprement l ’enveloppe pierreuse
des corps incrustés, ou, ce qui se forme en stalactites.
( S o i )
mon cheval jusqu’au bas d e là montagne. Je
payai mon imprudence d’une entorse au pied,
et néanmoins je remerciai Dieu de ne pas
m’être rompu le cou. Je conseille à tous ceu x
qui doivent parcourir cette route gelée de ne
f>as trop se plonger dans leurs réflexions, car
les ehevaux de ce pays ont la mauvaise habitude
de vouloir toujours gravir les pentes; et
s i, dans un endroit escarpé, ils rencontrent
un nakip, malheur alors à l ’homme liv ré à
ses rêveries! sa tête court bien des risques
dans la chute.
A Irk ou tsk , je fus t r è s -b ie n reçu par
M. T e s k in , gouverneur c iv il, chez qui je me
présentai, à cause de l ’absenôe du gouverneur
général de la Sibérie. L e commandant d’O-^
chotsk avoit déjà fait passer mon rapport à
M. T e sk in , qui l ’avoit, depuis long-temps,
expédié à l ’autorité supérieure, en y joignant
la prière d’o rdonner une autre expédition
pour le Japon, afin de déliv rer les Russes qui
languissoient en captivité dans ce pays. Cette
circonstance inattendue me causa le plaisir le
«
plus v if, car, ce n’étoit que pour obtenir cet
objet que j’çntreprenois le pénible voyage
d’Ochotsk à Saint-Pétersbourg ; je pris donc le
parti, ayec l’agrément du gou v e rn eu r , d’at-^