ia lîu t néanmoins répartir nos dons en secret,
autrement ils n’auroient rien accepté.
Schkaïeff, comme je v iens de d ire , avoit été
pris du désir d’apprendre à écrire. Malgré son
peu de disposition et ses trente-deux an s , il
avoit, à bord de la corvette, réussi, par sa persévérance
, à lire et à écrire un peu. Notre loisir
forcé, dans notre prison, nous inspira le désir,
à M. Chlebnikoff et à moi, d’instruire les
matelots. Schkaïeff souffrant beaucoup de la
maladie dont je parlerai tout-à-l’h eu re , cra i-
gnoit d’être devancé par ses camarades, et
eontinuoit à s’exercer à la lecture et à l’ecri-
ture dès qu’il éprouvoit un peu de soulagement.
Ses camarades ne tardèrent pas à trouv
e r que c’étoit un art bien difficile que celui
fie l i r e , et ils venoient de commencer à épeler,
qu’ils renoncèrent à l’entreprise : Schkaïeff
ne se laissa pas rebuter ; M. Chlebnikoff lu i
donnoit leçon tous les soirs, si bien qu’il finit
par savoir lire et écrire. Par la suite, il lu t
aux autres matelots un volume du Journal
de Moscou , en y ajoutant ses réflexions. Cet
homme étoit compatriote du grand Lomo -
nossoff. Sa maladie, qui se déclara peu de
temps après notre détention, étoit une enflure
extraordinaire aux jambes. Les médecins
japonois lu i donnèrent une décoction à boire,
et appliquèrent lé moxa aux parties enflées.
Schkaïeff regarda ces remèdes comme inutiles,
et demanda du jus de rave pour s’en fro tte r ,
ce q u i, disoit-il, l ’avoit délivré de ce même
îhal en Russie. Les médecins finirent par
céder à ses désirs, cependant avec répugnance.
L e jus de rave fit en effet disparoître l ’enflure
des jambes au bout de quelques jou rs; mais
i l n’y resta plus que la peau et les os, et
Schakïeff ressentit des douleurs três-vives
dans les ossemens : il rioit et pleuroit comme
un enfant, et quelquefois ses souffrances
étoient si insupportables qu’il invoquoit la
mort. Les médecins lu i firent boire une décoction
de plantes, et prendre des bains chauds
dans lesquels ils avoient mis un sac rempli
de racines et d’herbes ; ces remèdes le rétablirent
parfaitement en sept mois.
I l ne nous arriva rien de remarquable jusqu’au
mois de septembre; néanmoins je dois
rapporter un incident qui nous instruisit d’un
usage des Japonois. Un jour on nous se rvit
un excellent repas dans de la belle vaisselle.
Nous pensâmes que l ’on avoit par là v o u lu
nous faire pla is ir, et nous crûmes que cela