l ’on n’avoit la vue de rien de ce qui se trou -
vo it hors de la prison.
Nous ne pouvions comprendre la signification
de ce que le gouverneur avoit dit que
les matelots seroient enfermés dans une prison
v é r itab le , et nous dans u n in v é ra r i, car nous
trouvions notr.e logement pire que le leur.
Nous apprîmes ensuite que la seule différence
consistoit en ce que chacun de nous avoit sa
cage pa r ticulière, ét que les matelots étoient
tous ensemble dans une seule, faveur qui, je
l ’a v o u e , ne nous llaltoit nullement. Cependant
ma cage étoit assez proche de celle dé
M. Chlebnikoff,po ur q ue je pusse m’entretenir
librement avec lui. Le prisonnier japonois né
tarda pas à lu i parler , lu i dit son nortl, et
ajouta q u e , dans six jours, i l sëroit élargi ;
ensuite il lu i donna un morceau de poisson
salé , et, en r e to u r M. Chlebnikoff lu i fit présent
d’une cravaté blanche. K is isk i ayant, par
hasard, aperçu cette cravate, demanda aii Japonois
d’où il la tenoit, la prit et rapporta lé
fait à ses supérieurs, qui ordonnèrent dé serre
r cet objet aVéc nos autres effets. M. Chleb-
îiik o ff partagea son morceau de poisson avec
moi ; la faim nous le fit manger à tous deux
comme un mets très-friand.
L e soir assez tard, Fok-Massé, notre ancien
domestique, su iv i de deux petits garçons,
nous apporta notre souper, qui consistoit en
une soupe au riz très-claire, deux petits morceaux
de raves marinées pour chacun de nous;
et de l’eau chaude pour boire. Fok-Massé
avoit l ’air de mauvaise humeur; il répondit
brusquement à nos questions, cependant i l
ne nous adressa aucun reproche sur notrë
fuite. Nous crûmes d’abord qu’il alloit continuer
à nous se rv ir ; mais nous sûmes ensuite
qu’il venoit seulement pour montrer
aux jeunes gens Ce qu’ils avoient à faire auprès
de nous , et leu r apprendre le nom en
russe des choses les plus usuelles, ce q u i, cependant,
n’étoit pas nécessaire, puisque nous
pouvions demander intelligiblement en japonois
tout ce dont nous avions besoin.
Après le s o u p e r ,l’on me donna, à travers
les barreaux de ma cage, une vie ille robe de
chambre, et l’on porta aussi quelque chose
à mes compagnons. Ensuite on ferma leà
portes du hangar; et l ’obscurité devint complète
autour de nous; car les barreaux entre
le hangar et le corps-de-garde étbiént garnis
de planches, de àbrte que la lumière ne pou-
y o it pehétrer jüsqu’à nous. Aprèâ que six
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