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v o ir s’il avoit réellement rendu compte de
notre affaire dans le morceau de papiçr qui
resloit. Durant le voyage, je m’étois fréquemment
entretenu avec lu i sur différens objets
concernant le Japon, et j ’a vois écrit plusieurs
mots russes traduits en japonois. Je lu i avois
fait prononcer beaucoup de noms de famille
russes, et, entre autres, celui de mon malheureu
x ami Tassili - Mikaïlowitch Golovnin ,
toujours présent à ma mémoire. Je priai
donc Léonsaïmo de me montrer l ’endroit de
la lettre où ce nom se trou voit. Il acquiesça
à ma demande; je comparai le passage avec
les caractères écrits précédemment, et j ?acquis
la conviction qu’il y étoit effectivement question
de Golovnin. Je chargeai ensuite un de
nos Japonois de remettre en personne la
lettre au commandant de l ’île ; nous débar-r
quâmes cet homme v is -à -v is de notre mouillage.
Il fu t entouré à l’instant par des K o u riles
v e lu s , q u i, probablement cachés dans
l ’herbe extrêmement touffue, avoient observé
tous nos mouvemens. Il les suivit au fort; et,
à peine s’étoit-il approché de la porte, que les
batteries commencèrent à tirer à boulets sur la
baie; c’étoit la première fois qu’elles faisoient
feu depuis notre arrivée. Je demandai à
c m )
LéonSaïmo pourquoi elles tiro ie n t , puisque
l’on vo yo it bien qu’un seul homme v e nant
directement de la corvette marchoit
hardiment vers la v ille . « C e s t ainsi au
<c Japon, rép on d it-il, telle est la loi. Ne pas
« faire mourir les hommes, mais tirer. »
Cette conduite inattendue d e là part des Japonois
, anéantit en moi l’espérance consolante
de pouvoir entrer en négociation avec eu x .
Quand nous nous étions d’abord approchés
de leur fo r t , ils n’avoient pas tiré; actuellement
c’étoit de cette manière qu’ils accueil-
1 oient notre parlementaire, cela n’annonçoit
malheureusement rien de favorable. Sur la
corvette il ne se fit pas le moindre mouvement;
le canot qui avoit porté le Japonois à
te r re , étoit déjà revenu le long du bord. A
la porte de la v i l l e , le Japonois fu t entouré
d’une foule nombreuse ; nous le perdîmes
bientôt de vue. Trois jours entiers, nous
attendîmes vainement son retour.
Durant tout ce temps, nous ne fûmes occupés,
depuis le matin jusqu’au soir, qu’à regard
e r ie rivage avec nos lunettes d’approche ;
les plus petites choses, depuis le lieu où nous
avions déposé le Japohûis jusqu’à la v i l l e ,
ïi’échappoient pas à nos observations. Déçus