« pas me remplacer. C’est pourquoi je te dis
cc d’avance qu’il n’est pas en ton pouvoir de
« m’emmener à Ochotsk. Mais il sera plus
« tard question de ceci. Maintenant je te de-
cc mande si tu ne v eu x en vo y e r mes mate-
<c lots à terre qu’à cette condition ? »— « O u i»,
lu i rép on d is -je , « en ma qualité de comman-
cc dant d’un vaisseau de guerre , je ne puis
cc pas agir autrement.»— « C ’est bon», re -
« p r it- il ; « alors permets-moi de donner à
<c mes matelots mes dernières instructions,
cc qui sont indispensables pour qu’ils sachent
« ce qu’ils auront à dire verbalement au
te commandant de Kounaschir : car, à présent,
cc je ne les chargerai ni de la lettre que je
cc t’avois promise ni de rien d’écrit ». — D u rant
cet entretien il étoit resté assis sur ses
talons, à la manière japonoise; alors il se
leva, prit un air très-grave, et continua ainsi :
cc T u sais assez de japonois pour comprendre
cc tout ce que je dirai à mes matelots, en me
cc servant des expressions les plus simples^
cc Je ne y e u x pas que tu aies le droit de soup-
tc çonner que je trame quelque projet s i-
cc nistre. » Ses matelots se mirent à g en o u x ,
s’approchèrent de lu i la tête baissée , et
écoutèrent attentivement ses paroles. Il
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commença par les instruire des formalités
qu’ils auroient à observer quand ils a r r iv e -
roient auprès du commandant de Kounaschir;
-ensuite il leur raconta, dans le plus grand
détail, quel jour ils avoient été conduits sur
la corvette russe, comment ils y avoient été
reten us, ainsi qu’au Kamtschatka ; il ajouta
qu’ils avoient, dans ce pays, habité la même
maison que moi, et que l ’on y avoit eu bien
soin d’eu x ; que les deux autres Japonois et
le Kourile v e lu étoient morts, malgré toutes
les soins du médecin, cc C’est à cause de ma
cc santé, a jo u ta - t- il, que la corvette s’est hâ-
cc tée de re v en ir directement au Japon. »
Après être entré dans les plus pëtits détails
sur tous ces points , il leur fit le plus grand
éloge de ma personne, leur rappelant les
marques d’attention que je lu i avois données
à bord et à te r r e , et l ’empressement que
j’avois apporté, autant que je le p o ü v o is ,à
satisfaire tous ses désirs. Ensuite il garda u n
profond silence et se mit à prier. Puis il remit
au matelot qu’il affectionnoit le plus son portrait
pour qu’il le rendît à sa femme, et son
grand sabre, qu’il appeïoit le sabre paternel,
pour qu’il le laissât entre les mains de son fils
unique, son héritier. Ces dispositions finie s,