par notre imagination, il nous sembloit quelquefois
vo ir du mouvement; aussitôt on s’é-
crioit avec ravissement: voilà notre Japonois
qui revient. Assez souvent cette erreur duroit
long-temps, surtout au lever du soleil, et par
les temps de brume quand la réfraction des
rayons grossissoit considérablement les obje
ts; alors nous prenions fréquemment un
corbeau avec ses ailes étendues, pour un Japonois
enveloppé de ses larges vêtemensassez
semblables à une robe de chambre. Léonsaïmo
lui-même ne quitta pas la lunette pendant
plusieurs heures de suite, et parut très-affecté
de ce que personne ne paroissoit. Le fort étoit
pour nous comme un tombeau fermé.
A l ’approche de la n u it, nous mettions
toujours la corvette en état d’être prête à combattre.
Le silence profond qui accompagnoit
l ’obscurité n*étoit interrompu que par la répétition
des signaux de nos sentinelles, q u i,
retentissant dans toute la baie, apprenoient à
nos ennemis que nous ne dormions pas.
Comme nous avions besoin d’eau, j ’ordonnai
d’en vo y e r à terre un canot avec des hommes
armés pour remplir les barriques; on transporta
aussi sur l ’îleun second Japonois chargé,
de même que le premier, d’annoncer au
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commandant les motifs de l ’arrivée des bâti—
mens russes sur cette côte. Je souhaitois que
Léonsaïmo joignît à ce message une lettre
très-courte ; mais il le re fu sa , en disant: « on
« n’a pas fait de réponse à là première lettre,
« je crains d’enfreindre nos lois en écrivant
« encore une fois. » I l me conseilla, au contraire,
d’écrire en russe une note que le Japonois
qui ail oit se rendre à terre pourroit
remettre. Je*me rendis à cet avis. Quelques
heures après, ce Japonois r e v in t; il me raconta
qu’il avoit été présenté au gouverneur
et lui avoit voulu délivrer mon papier, mais
que cet officier ne l ’avoit pas voulu recevoir;
alors le Japonois 1 ni dit que les Russes a voient
mis du monde à terre pour remplir leurs
barriques d’eau : « Eh bien, reprit le gouver-
« n eu r , qu’ils prennent de l ’eau; et toi re -
cc tourne à l’endroit d’où tu viens. » Il ne
proféra pas une parole de plus et s’éloigna.Le
Japonois étoit bien resté quelque temps^ au
milieu des Kouriles velus; mais n’entendant
pas leur langue, il n’avoit pu rien apprendre.
Il me raconta que les Japonois s’étoient tenus
éloignés et n’avoient pas osé s’approcher de
lu i, et qu’enfin les Kouriles l’a voient presque
conduit par force hors du fort. Ce brave