tâmes de côté vers une île. Dans cette position
desespéree, nous résolûmes d’avoir recours
à un moyen extrême pour échapper à notre
perte : nous jetâmes Pancre, elle ne tint pas
fond; la profondeur de l ’eau diminua jusqu’à
d eu x brasses, fond de sable et de cailloux.
Nous jetâmes Une seconde ancre ; cependant
la corvette étoit entièrement sur le côté, par
la violence du v e n t , et l ’ancre traînoit sur le
fond. À l ’instant nous amenâmes les mâts de
hune et les vergues. Par le plus grand bonh
e u r , 1 ancre tint bon, et le bâtiment se releva.
Ce fut ainsi que la main puissante de
Dieu nous sauva pour la seconde fois de
notre pe rte, q u i sembloit inévitable.
Taca ta ï-C aki partageoit ma chambre, ce
qui me fournit la meilleure occasion de lu i
faire bien comprendre mes idées. Long-temps
j essayai sans succès d’apprendre quelque
chose sur le capitaine Golovnin. Chaque fois
il écoutoit avec la plus grande attention ce
que je lu i ûisois de son grade et de son nom
de famille, et répétoit toujours : « Je ne sais
rien de lui. » N’ignorant pas combien les
noms de famille russès semblent étranges à
une oreille japonnoîse, je m’efforçois de prononcer
le nom de Golovnin de toutes les
manières possibles ;* en fin , à ma joie in e x primable,
je l ’entendis avec ravissement répéter
: « Covorin ! j’ai entendu parler de lu i ,
« il est aussi à Matsmaï. Les Japonois le re -
cc gardent comme un damnio russe (c’est-à-dire
« un officier du premier rang. )» Alors Caki
se mit à me raconter tout ce qu’il avoit appris
des gens q u i avoient v u le capitaine : il est
grand, il a bonne tournure, il n’est pas si v i f
que Moor, i l n’aime pas à fumer du tabac,
quoiqu’on lu i en ait donné de la meilleure
qualité. Moor, au contraire, aime passablement
la pipe, et entend assez bien notre
langue. Ces particularités détaillées et précises
dissipèrent les doutes qui affligeoient encore
notre e sp rit, et nous remerciâmes la P ro v idence
de nous avoir envoyé dans ce Japonois
un messager consolateur.
J’étois doublement satisfait de n’avoir pas
ajouté foi aux discours de Léonsàïtno et de
n’avoir pas commis d’hostilités. J’appris de
mon prisonnier qu’il alloit tous les ans à
I to u ro u p , pour y porter diverses marchandises
de Niphon et en rapporter du poisson
sec ; ainsi je fus très-surpris de ce qu’il ne
connoissoit pas Léonsaïmo. Supposant que
je ne prononçois pas bien le nom de ce Ja