partageoient pas cette opinion, et assurèrent
que c e prêtre avoit fait plusieurs prédictions
que l ’événement avoit justifiées. La lettre
que M. Ricord écrivit en arrivant, confirma
la vérité de la prophétie, et doubla la confiance
et le respect que l ’on avoit pour ce
prêtre. Ses compatriotes nous demandèrent
d’un air triomphant si nous pensions maintenant
que leur prêtre fût en état de prophétiser
; aussi ne furent-ils pas médiocrement
surpris lorsqu’ils nous entendirent attribuér
tout au hasard.
Simanoff nous avoit dit trop peu de choses
de 1 état politique de l ’Europe ; les Japonois
en parloient trop. Deu x gros bâtimens hollandois,
nous d iren t-ils , chargés de productions
des Indes et partis de Batavia, sont arrivés
à Nangasaki (i).L e s Hollandais ont assuré
(i) Les Japonois nous montrèrent une description
détaillée de ces bâtimens. On y avoit désigné de la
manière la plus précise leur longueur, leur largeur, leur
profondeur, le nombre de leurs tonneaux et celui des
hommes de leur équipage; à quelle nation ils appartenoieut,
etc. Un de ces deux bâtimens étoit très-grand,
car il avoit cent trente pieds de long, et plus de mille
hommes a bord. Un elepbant, envoyé de Sumatra en
présent a 1 empereur du Japon, étoit surtout décrit-en
( l 95 )
que la guerre maritime entre leur pays et
l ’Angleterre les a empêchés d’apporter des
marchandises d’E u ro p e , mais que les compagnies
des Indes, hollandoise et angloise, ont
conclu la paix et commercent entre elles; que
par conséquent ils n’ont pu porter au Japon
que des marchandises du Bengale. O r , les
Japonois vouloient savoir de nous si, d’après
les usages suivis en E u rope, la chose étoit
possible. Nous répondîmes franchement que
cette opération cachoit quelque tromperie;
que très-certainement les Anglais avoient
pris Batavia, et que les Hollandois craignant
que les Japonois n’interrompissent leu r commerce
avec eux quand ils sauraient que leur
principale possession étoit tombée en des
mains étrangères, avoient inventé cette fable.
Je conseillai donc aux Japonois de dire au x
Hollandois arrivés à Nangasaki qu’ils étoient
dans ce moment en négociation avec les
Russes, et que c eu x -c i leur avoient assuré
détail. Rien n ’étoit oublié; sa patrie, son â g e , sa longueur,
sa hauteur, sa grosseur, sa nourriture; la quantité
de vivres solides e t liquides qu’ il consommoit par
jo u r , dans quelle proportion étoient ces derniers, etc.
Un naturel de Sumatra, qui servoit de cornac à cet éléphant,
étoit décrit avec la même minutie.