vents contraires l ’a voient forcé d’entrer dans
la baie de Kounaschir. Afin de le mettre au
fait de tout ce qui nous concernoit, je lu i
donnai à lire la lettre écrite par Léonsaïmo
au gouverneur de l ’île. Quand il eut fini la
le cture , il s’écria : « Le capitaine Moor et,
« cinq autres Russes se trouvent aetuelle-
« ment dans la v ille de Matsmaï. » Il me raconta
ensuite dans quel mois ils avoient été
conduits de l ’île de Kounaschir dans celle où
ils étaient maintenant; par quelles villes on
les avoit fait passer, et combien de temps ils
étoient restés dans chaque endroit; enfin, il
dépeignit très-bien la taille et tout l ’extérieur
de M. Moor. B re f, une seule circonstance
dans son récit nous empêcha de nous liv re r
entièrement à la joie ; il ne disoit pas un mot
de M. Golovnin, notre capitaine. Nous trouvions
très-naturel que , dans sa position, il
s’efforçât de nous persuader que nos compatriotes
v ivo ien t encore , et nous pensions
néanmoins qu’il disoit la vérité; car, comment
eût-il p u , dans une m in u te , inventer tant
d’événemens singuliers ? D’un autre cô té, Je
rapport de Léonsaïmo restait pour nous une
énigme inexplicable, Qu’est-ce qui avoit pu
le déterminer à nous faire un mensonge si
horrible? Peut-être n’avoit-il parlé ainsi que
pour se venger des violences commises par
Chvostoff sur les côtes du Japon, ou bien
craignoit-il qu’en nous apprenant que nos
compatriotes v ivo ien t encore , nous ne le
retinssions sur la corvette; mais il p p u v o it,
dans ce cas, nous dépêcher un des trois billets,
et rester à terre. Peut-être aussi le commandant
de l ’île , mu par la méchanceté, lu i
avoit-il réellement fait la réponse qu’il nous
avoit rendue, afin de se débarrasser de nous; et
Léonsaïmo, cédant à ses craintes, étoit resté à
terre.
Quoiqu’il ne résultât de tous ces raisonne-
mens rien de sû r , i l étoit cependant vraisemblable
que nos compagnons v ivo ien t encore;
j ’abandonnai donc bien volontiers toute idée
de vengeance; mais il étoit plus difficile de
calmer la fermentation occasionnée dans mon
équipage par la fâcheuse nouvelle. Quelques
uns de mes gens dirent à l ’officier de
garde, qu’ils reconnoissôient le propriétaire
du bâliment japonois, pour le même officier
qui é to itàl’ile d ’Itouroup, lorsque nous avions
eu la première entrevue avec les Japonois l ’été
précédent. MM. Moor et N o v isk y s’y étaient
trouvés ; ce dernier assura aussi qu’il y