ainsi qtie les deux interprètes, T e s té et Kou-
maddjéro, vinrent à bord. Le premier parloit
le russe bien mieux que le second, et étoit
beaucoup plus instruit. Ils avoient avec eu x
l ’académicien de Iédo,. et un interprète h o l-
Iandois. Celui-ci avoit été à Nangasaki, lorsque
le capitaine Krusenstern y arriva avec la
Nadeschda qui portoit Resanoff l ’ambassadeur.
Il se souvenoit du nom de plusieurs
officiers russes, parloit un peu notre langue,
e t comprenoit le françois. Nous régalâmes
tous ces Japonois à l ’européenne, dans la
chambre; ils visitèrent ensuite la corvette
avec la plus grande attention. Vers le so ir , il
arriva tant de cu r ieu x que l ’on pouvoit à
peine se mouvoir sur le pont. I l n’y avoit
que des hommes; ca r , à notre grand chagrin,
il n’étoit pas permis au x femmes de nous
rendre visite. Les dosinis finirent par être
obligés de tirer leurs baguettes de fer de leurs
ceintures, et de renvoy er la plus grande
partie des importuns sur leurs canots, d’où
les femmes jetoient des regards d’envie de
notre côté. Pour les consoler, nous leur fîmes
parvenir par les gardes toutes sortes de bagatelles
dont elles nous remercièrent par des
gestes pleins d ’expression.
Nos hôtes partagèrent avec une cordialité
franche la joie commune, et restèrent avec
nous jusqu’à la nuit. Quand ils nous dirent
adieu, nous leur offrîmes tout ce que nous
avions des objets que l ’ambassade de Resanoff
avoit emportés sur l a Nadeschda, et qu’elle
avoit ensuite laissés au Kamtschatka. Les Japonois
ne prirent que des portraits des héros
russes qui s’étoient distingués dans la campagne
de 1812. I l leur étoit permis de garder
en leur possession ces présens, comme objet
d’art, mais sans cadre ni verre; Us les auront
vraisemblablement envoyés à Iéd o , en ajoutant
à l ’image de chaque guerrier son nom
et ses prouesses.
L e 1 o octobre, quand nous fûmes’tout-à-fait
prêts à partir, le gouverneur nous en vo y a
encore une grande quantité d’herbages, ainsi
que du poisson frais et salé. Déjà le signal
d’appareiller étoit donné; Tacataï-Caki v in t
accompagné de plusieurs canots pour nous
remorquer du port dans la baie. Le plus âgé
des interprètes et plusieurs connoissances de
M.Golovnin arrivèrent aussi dans une grande
chaloup e , et nous accompagnèrent jusqu’à la
sortie de la baie. Quand ils nous quittèrent,
l ’équipage donna un hourrah général; e t, par