quand on eut été instruit de sa correspondance*
avec nous. Les lettres surprises à M. Moor
avoient été envoyées à Iédo. Teské fut obligé
de lire et de traduire ses lettres et les nôtres
devant le conseil,ayant pourtant l’attention de
modifier les passages dans lesquels il parloit
de ses compatriotes. Les membres du conseil
qui examinèrent sa traduction lui demandèrent
comment il avoit osé correspondre avec
des étrangers, quand il savoit qu’une loi e x presse
le défendoit. Teské s’excusa, en disant
qu’il n’avoit pas cru que cette loi concernât
les étrangers qui étoient prisonniers dans
l ’empire, et protesta que ses intentions avoien t
été pures y que la compassion seule l ’a voit
engagé à s’entretenir avec nous par'lettres, et
que jamais il ne lu i étoit v en u dans l ’idée
qu’il faisoit mal en suivant cette correspondance;
il ajouta que si le conseil estimoit que
sa conduite fût criminelle, il étoit prêt à
souffrir la mort. On se contenta de le réprimander
et de l ’inviter à être plus circonspect A
à l’avenir. Les lettres restèrent dans les mains
du gouvernement, et cette affaire n’eu t, au
reste, aucune suite désagréable pour lui. Le
zèle qu’il avoit mis à apprendre le russe et à
traduire les différens papiers, lu i va lut une
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place, et Koumaddjéro e n obtint aussi une.
Teské devint Schtoyagou, et Koumaddjéro
Saïdchou ou secrétaire.
Il faut maintenant que, malgré ma répugnance,
je revienne sur un sujet q u i, dans le
temps, provoqua toute mon indignation, e t
qu’aujourd’h ui encore je ne me rappelle pas
sans le chagrin le plus amer, je v e u x dire la
conduite de M Moor. En racontant ses éga-
rernens, ce dont je parlerai le moins, sera la
position horrible dans laquelle il nous précipita
pendant un certain temps mes compagnons
d’infortune et Riôi. Puisse son exemple détourner
les jeunesgens de semblables erreurs,
quand le sort les fait tomber dans un malheur
pareil au nôtre! Puisse cet exemplç terrible
les convaincre que, de toutes les fautes qu ils
peuvent commettre, aucune ne charge autant
la conscience que celles d’abjurer sa foi et sa
patrie, que la simple intention menie de le
faire 1 Q u ’il est affreux le rév e il de l ’homme
qui rentre dans le sentier du d e v o ir , et re-^-
fléchit tranquillement à ses erreurs passées,
surtout quand auparavant il n’étoit pas sourd
à la v o ix d e la conscience et de l’honneur! c’est
ce que je puis dire de M. Moor, dont l ’histoire,
quoique vraiment effrayante, mérite l ’atten