Makaroff me p r ia , les larmes auiîf y e ü x , de
ne pas me défendre et de ne tuer personne;
ca r , si cela m’a r r ivo it, je pouvois faire le
malheur de tous mes compagnons; il me représenta
que je pouvois les sauver en me
rendant aux Japonois, et leur disant qu’en
ma qualité de commandant, j’avois ordonné à
tout mon monde de s’enfuir avec moi, et que
chacun avoit dû m’obéir, pour n’être pas e x posé
à une punition, quand nous serions de
retour en Russie. Ce discours produisit une
telle impression sur moi, que je fichai à l’instant
ma pique en te r r e ,e t je sortis du buisson.
Makaroff me suivit. Les Japonois, surpris de
notre apparition soudaine, firent quelques
pas en arrière; puis voyant que nous n'avions
aucune a rme, ils marchèrent hardiment vers
n o u s , nous saisirent, nous lièrentfoiblemcnt
les mains derrière le dps, et nous conduisirent
au village sur le bord de là mer. D’a illeurs
, ils ne se permirent contre nous n i
mauvais traitemens ni injures; au contraire,
s’ apercevant que je boîtois et que je n’avan-
çois qu’avec beaucoup de p e in e , il y en eut
deu x qui me prirent par-dessous les bras,
pour m’aider à grimper les endroits élevés,
( )
et marcher dans les pas glissans. Arrivés au
v illa g e , on nous fit entrer dans une maison
où nous trouvâmes nos compagnons.
On nous< donna, du sa k i, du r i z , des harengs
salés, des ra v e s , puis du thé. Ensuite
on nous lia foiblement les mains par-devant,
mais on n’y mit pas la même rigueur qu’à
Kounaschir. Après que nous eûmes passé à
peu 'p rè s une heure dans ce v illa g e , nous
nous mîmes en marche le long du bord de la
m e r , sous une escorte nombreuse, pour retourner
à Matsmaï. Nous remarquâmes que
les Japonois avoient fiché de petites baguettes
tout le long de la route que nous avions tenue
pendant la nuit ; ils perdoient nos traces
quand nous entrions dans les montagnes, et
les relrouvoient ensuite sur le sable. I l étoit
évident qu’il nous avoit constamment suivis
à la piste; ils n’avoient pas v o u lu nous attaq
u e r , parce qu’ils craignoient que l ’envie de
nous défendre ne nous p r ît, ce qui eût pu
coûter la v ie à plusieurs d’entre e u x ; peut-
être aussi par d’autres motifs. Ils nous
avouèrent ensuite q u e , pendant la n u it , ils
avoient toujours marché sur nos p a s , et qu’ils
nous avoient souvent vus. Ils rapportèrent
très-exactement cé que nous faisions a lo r s ,
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