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fu t o b lig é ,p eu de temps après, de le mettre
entre les mains d’un homme de l’a r t , et l’on
chercha à reconnoître s’il avoit tenu ces discours
singuliers étant dans son bon sens ou
"dans un accès de folie. Cet incident me donna
lieu de soupçonner que peut-être il y avoit
dans tout cela quelque supercherie, et que
les Japonois faisoient semblant de regarder
M. Moor comme fo u , afin de nous jouer plus
sûrement, de tromper les matelots qui seraient
envoyés à bord, de chercher a s’emparer
des bâtimens par ru se , et ensuite de
travailler à découvrir si M. Moor avoit dit la
vérité. Ce soupçon, qui m’avoit en partie été
suggéré par M. Chlebnikoff, et qui d’ailleurs
se trouva mal fo n d é ,m ’obligea d’écrire secrètement
cinq billets adressés à M. Ricord, et
tous cinq sembables. Les matelots et Alexis eri
cousirent chacun un dans leur veste pour le
remettre au commandant du bâtiment russe,
quel qu’il pû têtre,auquelilsseroientenvoyés.
A u re s te , quoique les doutes de M. Chlebnik
o ff sur la loyauté des Japonois ne me parussent
pas raisonnables, je pensai que le billet
se rvira it à empêcher nos compatriotes de tomb
e r , par un excès de confiance, dans un malh
eu r semblable au nôtre.
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Mes billets contenoient un avertissement à
M. Ricord; je l ’engageois à mettre toute la
précaution possible dans ses négociations avec
les Japonois, et dé n ’approcher q u’à portée de
fusil des canots venant du fort. Je l ’invitois de
plus à ne pas se courroucer d e ‘la lenteur des
Japonois, parce que leurs lois interdisoient la
promptitude dans les démarches, et q u e , dans
les affaires importantes, ils étaient obligés
d’attendre l ’approbation du gouvernement
avant d’en v en ir à l ’exécution. Je partais aussi
de tout ce que M. Moor avoit découvert au x
Japonois, afin que M. R ico rd fût préparé à
répondre à toutes les questions qu’on pourra
it lu i adresser. Je finissois par dire que l ’on
pouvoit espérer de se réconcilier avec les Japonois,
et peut-être même de lie r avec e u x
des relations de commerce.
M. Moor voyant échouer tous ses plans, se
liv ra au désespoir. I l fit deu x à trois tentatives
de s’ôter la v ie , mais il fu t toujours prév
en u à temps par les gardes. A u reste, i l est
difficile de prononcer s’il avoit réellement ce
dessein ou s’il n’en faisoit que le smblant.
Quoi qu’il en soit, i l me paraît qu’i l auroit
pu mettre plus de circonspection dans ses
essais d’attenter à ses jo u r s , et que s’il avoit