spectacle magnifique ne put m’occuper longtemps
; mes pensées revinrent involontairement
sur notre position. Toutes les images
effrayantes qu’elle pou voit produire s offrirent
à mon esprit : vo ila , me disois—je , s ix
hommes sur une des plus hautes montagnes
de Matsmaï; ils sont à peine v ê tu s , dépourvus
de moyens de subsistance et de défense, en
butte au x poursuites de leurs ennemis, au x
attaques des bêtes féroces ( Q , errans sur une
ile qu’ils ne connoissent pas, incertains s ils
pourront trouver-sur la cote un navire pour
s’échapper, trop foibles peut-être pour s’en
emparer;. • • • • et moi leur c h e f , je suis a peine
en état de faire un pas sans ressentir des douleurs
affreuses Ces réflexions désolantes
faillirent à me jeter dans le plus terrible
désespoir. Heureusement quelques-uns de
mes compagnons s’étoient éve illés; je fus b ien
plus touché de leurs soupirs et de leurs prières
(1) Les forêts de Matsmaï sont remplies d’ours, deloups,
de renards, de lièvres, de cerfs et de chèvres sauvages*
L ’on y trouve aussi des zibelines, mais leur poil est rougeâtre
, et n’a par conséquent que peu de valeur. Les
ours sont excessivement farouches ; ils attaquent égaler
ment les hommes et les animaux.
que de mes maux. J’oubliai mes peines, je
versai des pleurs amers sur l e u r malheureuse
destinée.
J’avois passé une heure plongé dans ces
idées affligeantes ; le froid me força de chercher
un asile dans notre cabane; je me couchai,
mais je ne pus fermer l’oeil. L e 26 avril,
au point du jo u r , nous fîmes un dé jeûner
semblable au souper de la v e ille ; puis reprenant
notre vo y a g e , nous résolûmes, au lieu,
de continuer à franchir les montagnes, de
suivre le cours du premier torrent que nous
rencontrerions qui couleroit vers l’ou e s t, dô
chercher à arriver au bord de la m e r , de le
suivre en marchant au n o rd , et de guetter
l ’occasion de nous rendre maîtres d’un bâtiment.
Nous descendîmes la montagne par un e
gorge profonde, où, conformément a nos
souhaits, nous trouvâmes un courant d’eau
qui se dirigeoit à l ’ouest; mais la route le long
de ses bords nous présenta de nouvelles difficultés;
souvent le torrent se précipitoit avec
violence au milieu de rochers qui ne lais-
soient entre eu x qu’un passage extrêmement
resserré ; c’étoit par là qu’il falloitavancer avec
des peines iucroyables; des dangers imminens
s’offroient à chaque pas. L a moindre impru