secret, de sorte qu’en peu de temps tout le
monde en est instruit.
L e surlendemain, un de nos gardes, v ie illard
de soixante-dix ans, nous instruisit de
l ’événement, et nous recommanda de n’en
parler a aucun Japonois. La mort du gouvern
eur nous affligea beaucoup, car chacun ren -
dôit justice à ses excellentes qualité s, et par-
loit de ses bonnes intentions pour nous. •
Vers le milieu d’octobre, on nous conduisit
au château, M. Moor et moi, en présence
des d eu x magistrats de la v ille les plus
anciens, et de plusieurs autres fonctionnaires
publics. L ’on nous montra une lettre en russe,
e t l’on nous dit quenolre corvette l ’ayoit remise
à un Japonois; que ce lu i-c i l ’avoit égarée en
faisant sécher sa robe, et que, par conséquent,
l ’on n’avoit pas pu nous en donner connois-
sance plus tôt, puisque l ’on venoit seulement
de la retrouver; on nous pria de la lire et de
la traduire. Nous nous aperçûmes tout de
suite de l’astuce des Japonois , car nous savions
bien qu’ils n’auroientpas osé nous montrer
la lettre, s’ils n ’en avoient pas reçu l ’ordre
de la capitale-. Je répondis, en souriant, que
je savois la cause du retard. Les Japonois se
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mirent eux-mêmes à rire de leur adresse â
trouver des expédiens.
La lettre étoit de M. Roudakoff, un des lieu -
tenans de la D ian e , et adressée à M. Moor. Il
lui racontoit que le commandant de K o u -
naschir avoit renvoy é l ’émissaire de M. R i-
cord avec la réponse que nous étions tous
morts. En conséquence, on avoit résolu,à bord
de la co rv e tte , de commencer les hostilités
contre les Japonois, et aussitôt on s’étoit
emparé d’un bâtiment sur lequel se trouvoit
le propriétaire de dix navires. Leurs prisonniers
leur apprirent que nous viv ion s encore,
et que l ’on nous gardoit à Matsmaï. Nos compagnons
regardèrent donc là nouvel le de notre
mort comme une fable inventée par les Japonois
qu’ils avoient envoyés à terre ; ils renoncèrent
à leur plan d’agir hostilement, se contentèrent
de retenir le capitaine dn navire
avec quatre hommes et u n K o u r ile , et laissèrent
les autres continuer leu r route. L eu r
projet étoit d’aller ensuite au Kamtschatka,
et d’apprendre desJaponois qu’ils emmenoientj
des renseignemens plus détaillés sur notre
compte, M. Roudakoff finissoij sa le ttre , en
annonçant que, l’année su ivan te , la corvette