dence, un pied posé de travers pouvoient
nous précipiter dans le torrent qui nous auroit
emportés et fracassés contre les rocs. Tous les
quarts d’heure à peu près il falloit passer l’eau
à gu é , parce que lerivage devenoitsi escarpé
d’un côté, qu’il n'étoit plus possible de le
suivre. Nous choisissions toujours les endroits
les moins profonds pour y passer, pourtant il y
en avoit ou le torrent étoit si rapide, que nous
pouvions à peine résister à sa violence en
nous appuyant sur nos bâtons. Quelquefois
nous avions de l ’eau jusqu’au x genoux,
d’autres fois jusqu’à la ceinture.
A u bout d’ an certain temps, nous aperçûmes
sur les bords du torrent des cabanes
v ides q u i, en été, sont habitées par des bûcherons
et des charbonniers. Nous y cherchâmes
des provisions, nous n’y trouvâmes
qu’une v ie ille coignée et un ciseau tout couv
e r ts de rouille ; enfin, deux tasses en laq u e :
nous emportâmes tou« ces objets. Le ciel étoit
serein et le soleil ardent; avant qu’il se couchât
derrière les montagnes nous entrâmes
dans une cabane où il y avoit un four à charbon.
Notre projet étoit d’y passer la nuit et d’y faire
sécher nos vêtemens mouillés. Nous n’osions
pourtant pas allumer un grand feu , de crainte
d’être aperçus. La moitié d u toit de notre hutte
avoit été enlevée, de sorte que nous dormîmes k
peu près à la belle étoile. La nuit fu t froide;
cependant nous en souffrîmes p e u , parce que
nous nous enfonçâmes dans la paille.
Le lendemain, 27 a v r il, nous continuâmes,
après déjeûner, de suivre le torrent ; nous
marchions depuis d eu x h eu re s , quand nous
vîmes une cabane dont il sortait de la fumee.
Il ne nous parut pas convenable d’user de
violence contre les malheureux habitans, n i
de nous montrer à leurs regards, car ils eussent
pu nous faire connoître à ceu x qui nous
poursuivoient. Nous gravîmes doue une montagne
bien boisée; puis nous la descendîmes
du côté de l’o u e s t, en prenant un sçntier le
loug d’un ra v in , où nous fîmes halte à midi
sur le bord d’un ruisseau, pour manger des
haricots et du riz. Du haut d’une autre montagne
que nous gravîmes en su ite , nous découvrîmes,
par-dessus plusieurs monticules,
la mer dans le lointain. Toutes ces hauteurs,
de même que celle ou nous nous tro u v io n s ,
étoient absolument nues sans le moindre
buisson, ni herbe un peu haute; de petits
chemins les coupoient en tout sens. Le temps
étoit si c la ir , que nous aperçûmes distincte