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« tournerons-nous donc pas en Russie?
Ces mots, prononcés par Schkaïeff, tourmentaient
singulièrement l ’esprit de M. Moor ; il
les répétoit fréquemment. Je lu i demandai
ensuite quel sentiment il éprouverait s’il par-
yenoit à persuader aux Japonois de tendre un
piège à nos compatriotes, et si ce dessein
s’effectuoit : i l me répondit par des phrases
absolument vides de sens. «Cependant, con-
« tin u a i- je , si les Japonois s’emparant aussi
« de nos bâtimens;, si ensuite la vérité vient
« à percer, et si, à une époque plus ou moins
« rapprochée, nous retournons en Russie, que
« deviendrez-vous? » — « Ce que je devien-
« drois, rép r it- il, si nous y retournions main-
« tenant. » — Je cherchai à le calmer et à le
consoler en lu i disant qu’il ne pouvoit être
responsable de sa conduite a c tu e lle , puisqu’il
n’é to it pas tou t-à -fa it dans son bon sens.
Ensuite je lu i demandai pourquoi il témoi-
gnoit tant d’impatience de se rendre le premier
à bord de la co rv e tte , et ne vouloit pas
attendre que nous y allassions tous ensemble.
Il divagua dans ses réponses. Tantôt il souhaitait
devenir l ’instrument de la réconciliation
entre les deux nations, afin de mériter
son pardon ; tantôt il vouloit avertir nos compatriotes
des embûches qu’on leur préparait,
ou leur persuader de donner au x Japonois
quelques canons et d’autres effets de nos bâti-
mens en indemnité des objets enlevés par
Chvostoff. Ces réponses extravagantes prou-
voient évidemment qu’il étoit sujet à de fr é -
quens accès de fo lie , et que dans certains
momens i l ne savoit ce qu’il disoit.
Nous apprîmes ensuite d’À le x is le v rai mot
i f qui portoit M. Moor à insister auprès de
nous pour nous faire demander au x Japonois
de l ’envoye r avec lu i à bord de nos bâtimens
avant nous. Un des gardes lu i âvoit d i t , probablement
en plaisantant, que telle avo it été
l ’intention d u g ou v e rn eu r , et que nous avions
empêché qu’elle ne se réalisât; mais il n ’en
étoit réellement rien.
M. Moor vo y an t que ses propos et menaces
ne produisoient aucun effet sur nous, ne vo u lu
t pas en demeurer là , et se mit, à plusieurs
reprises, à faire au x interprètes les révélations
dont il nous avoit parlé. C eu x -c i ne
donnèrent aucune attention à tous ces discours
qui eussent pu a vo ir pour résultat notre
ruine commune; ils le traitèrent de radoteur,
e t, au lieu de lu i répondre, lu i conseillèrent
de consulter un médecin. Effectivement on,
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