nombre d’autres; celles du sud étoient plus
basses, et celles du nord plus hautes que celle
où nous nous trouvions; nous n’apercevions
que le ciel, les monts, la forêt et la neige; néanmoins
cet aspect avoit quelque chose de sublime.
Comme la cime de toutes les montagnes
étoit cachée dans les nuages,nous crûmes que
des montagnes environnantes on ne verroit
pas le feu que nous allumerions au milieu des
buissons; ainsi nous résolûmes d’en faire, afin
de 110 us réchauffer et d’y mettre la bouilloire (1),
n on pour boire du th é , car nous n’en avions
pas, mais pour faire chauffer notre r iz desséché
et couvert de moisissure, et pouvoir le
manger plus aisément. N ous cherchâmes aussi
des plantes sauvages; nous n’en pûmes trouver
de bonnes à manger, sur cette hauteur où l ’h i-
vei* régnoit encore. Av e c des branchages secs
nous allumâmes du feu, et nous fîmes chauffer
de l ’eau de neige, que nous aspirâmes avec
de petits tu y a u x de roseau.
Su r ces entrefaites, d’épais nuages s’é le -
vo ien t derrière les montagnes dans l ’est; le
(1) En nous enfuyant, nous n’avions pas oublié ¿remporter
une bouilloire de cuivre que les domestiques
avoient, par bonheur pour nous, laissée au foyer de la
chambre où les matelots couchoient.
vent commençoit à souffler avec grand bruit;
les nuages s’amoncelèrent de plus en plu s, la
violence du vent augmenta. Une tempête affreuse
sembloit nous menacer. Persuadés que
rîous ne rencontrerions personne dans les montagnes,
et que ceux qui nous poursuivoient
ne pourraient pas aisément nous tro u v e r ,
nous résolûmes de continuer à marcher sans
attendre la nuit. Le froid nous contraignit
aussi à prendre ce parti; car, malgré le feu ,
nous étions transis. Nous suivîmes donc le
sentier qui se dirigeoit au nord, vers le haut
de la montagne ; mais il faisoit un détour et
finit par rev enir en arrière ; nous le quittâmes
donc et suivîmes notre direction à travers les
buissons ; i î o u s fûmes bientôt sur le penchant
d’un abîme dont les bords étoient escarpés e t
couverts de neige. La douleur que je ressentais
à mon pied ne s’étoitpas encore appaisée ;
ce ne fut qu’avec les plus grands efforts qu’attaché
à la ceinture de Makarofif, je pus me
traîner en avant. En descendant de lahauteur
où nous étions, la douleur, devenue insupportable,
me força de m’asseoir sur la neige et
de me laisser glisser en bas ; le bâton au bout
duquel le ciseau étoit fixé dirigeoit ma course
et en rompoit la rapidité quand la pente étoit