( 24 )
ment nn chien qui couroit sur une autre montagne.
Il y avoit donc du danger à marcher
davantage; car les Japonois pouvoiênt, à notre
nombre et à notre taille, nous reconnoitre aisément.
Nous étions pourtant bien fâchés de
perdre du temps ; nous voulions arriver sur
le bord de la mer avant la n u it, nous reposer,
puis suivre la côte dans l ’obscurité. A in s i,
nous nous décidâmes à poursuivre notre
marche en nous courbant, noustenant à quelque
distance les uns des autres et regardant
de tous côtés autour de nous pour découvrir
si personne ne se montrait. Nôusrebroussâmes
chemin, de cette manière, pendant une lieue,
et nous arrivâmes sur une montagne peu
élevé e, mais c’étoit là que le danger nous at-
tendoit. Du rivage où passe la grande route
fréquentée par les Japonois, on pouvoit a isément
nous apercevoir. Il fallut nous tapir
dans l ’h e rb e , et là délibérer sur ce qu’il con- «
v en o it de faire. A u même instant nous aperçûmes
des soldats à cheval, qui suivirent un
sentier conduisant directement vers nous.
Nous nous glissâmes aussitôt dans un chemin
c reu x ,"n ou s cachant dans les buissons dont
ses deux côtés étoient couverts. Les soldats
passèrent sans nous voir. Cet incident nous
fit connoître qu’il y avoit de l ’imprudence et
de la témérité à nous tenir sur les montagnes;
si nous ne nous fussions pas mis ventre à
terre à l’instant où les soldats gravissôient le
coteau, nous eussions aussitôt été découverts
et saisis.
L e ravin où nous descendions étoit traversé
par un petit ruisseau bourbeux rempli de racines
et de débris de végétaux. En remuant
la fange, nous trouvâmes de petites écrevisses
longues d’un p ou ce , leur vue inspirait le dégoût;
cependant nous les mangeâmes comme
un mets délicat. Apres une heure de repos,
nous résolûmes de continuer à descendre
dans le chemin creu x aussi long-temps que
les buissons des deu x cotes nous cacheraient,
et jusqu’à ce que nous pussions* découvrir
encore une route sur les montagnes ; nous finîmes
par arriver sur le bord de la mer, que
nous suivîmes pendant plus d’une h eu re ,
jusqu’à un lieu que l ’on pouvoit apercevoir
de plusieurs en d ro its , ce qui nous détermina
à nous cacher entre les bois et les roseaux. Il
y avoit de jeunes arbres très-beaux; ils nous
fournirent des piques ; nous garnîmes le bout
des unes du couteau et du ciseau, les autres
furent simplement rendues pointues avec la