sans connoissance. Si la pierre sur laquelle
son pied étoit fixé se fut détachée, ou si la
branche qu’il avoit empoignée se fût rompue,
nous eussions tous deu x été précipités dans
le fond de l ’abîme où sans donte nous eussions
péri. Cependant M. Chlebnikoff, parvenu au
milieu du ro ch e r, rencontra tant d’obstacles,
qu’il né pôuvoit n i avancer n i reculer. Les
matelots lièrent leurs ceintures ensemble,
lu i tendirent un bout de cette espèce de corde
et le retirèrent ainsi de sa position périlleuse.
Après nous être reposés sur le sommet du
ro ch e r , nous recommençâmes à escalader la
montagne; nous avions de loin découvert au
èoinmet une hutte en terre ou quelque chose
qui y ressembloit, ce qui nous faisoit désirer
d’y a rriver pour y passer la nuit. A v an t le
coucher du so le il, nous parvînmes avec les
plus grands efforts sur la cime de la montagne.
C’est uhe des plus hautes de Matsmaï; elle
étoit couverte de touffes de roseaux entre
lesquelles on v o y a it encore de la neige; de
grands arbres s’élevoient çà et là. Nous n’y
trouvâmes pas de hutte ; mais pensant que
bien certainement les Japonois ne nous viendraient
pas chercheràcettehauteureffrayante,
nous allumâmes du fe u , et nous préparâmes
( *9 )
notre souper consistant en poireaux sauvages
et en o se ille , que nous avions cueillis sur le
bord du ruisseau que nous avions traversé à
gué. Nous fîmes aussi sécher nos vêtemens;
car dans ce trajet nous avions eu quelquefois
de l ’eau au-dessus du genou ; et nous nous
construisîmes une hutte avec des roseaux
pour y passer la nuit.
Nous fîmes cuire pour notre repas les
plantes que nous avions cueillies; nous y
ajoutâmes de nos provisions, puis nous nous
étendîmes pour dormir. L ’excès de la fatigue
et le manque de sommeil pendant plusieurs
nuits ne tardèrent pas à me fermer les y e u x *
néanmoins la grande chaleur qui régnoit dans
notre cabane me réveilla bientôt; j ’allai au
graiM air. A p p u y é contre un arbre, je réfléchis
à notre sort; l’aspect imposant de ce qui m’en-
touroit fixa toute mon attention. Le ciel étoit
pur et serein : entre les montagnes au-dessous
de nous s’étendoient des nuées épaisses; probablement
il pleuvoit dansla plaine. La neige
b rillo ita tilo in surleshauteurs environnantes;
jamais je n ’avois v u les étoiles reluire d’un
éclat si vif. Un silence profond et majestueux
régnoit tout autour de moi; cependant ce