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de différens travaux. A v e c nos chemises nous
fîmes deux voiles. Les cordes et les morceaux
de laine que nous avions emportés nous servirent
à préparer toutes les manoeuvres nécessaires.
A peu de distance de notre retranchement,
il y avoit un villagei Le soir, un des
bâtimens qui nâviguoient le long de la côte,
mouilla près de ce lieu. Nous résolûmes de
le surprendre cette nuit même, si le vent
étoit favorable.
Après le coucher du so le il, nous descendîmes
la montagne, et nous courûmes au
village. Mais en nous approchant du n a v ir e ,
nous y entendîmes un grand bruit et le son
de plusieurs vo ix . I l fallut donc nous arrêter
de nouveau dans une cachette, et attendre
que la nuit fût bien noire pour tenter notre
entreprise ; tou t-à -cou p nous apercevons
que le navire levoit l’an c re , et que c’étoit le
sujet du grand bruit que faisoient les matelots;
comme il n’y avoit plus rien à essayer en
ce l ie u , nous continuâmes à marcher le long
de la mer.
Cette nuit nous eûmes beaucoup plus d’obstacles
à surmonter que dans la précédente. Les
ravinsétoientplusnombreux et plusprofonds.
Nous filmes souvent obligés de traverser des
torrens à gué. Vers minuit nous arrivâmes à
un très-grand village. Nous entrâmes dans sa
rue principale, voulant le traverser en entier;
bientôt nous reconnûmes q u ’elle étoit extrêmement
lon gue , et nous entendîmes les
gardes qui se trouvoient au m ilieu , frapper
les heures avec leurs petites planches. Nous
prîmes donc le parti de faire lç tour de ce
lie u ; mais les jardins qui l ’environnoient
étoient si étendus, que cela nous eût occasionné
un retard immense ; ainsi nous cheminâmes
à travers ces ja rd in s, y laissant des
traces de nos pas, très-reconnoissables à leur
grandeur. Nous n ’avions pu nous accoutumer
aux souliers japonois ; et nous avions en conséquence
demandé du cuir,pour qu’un de nosma-
telots qui entendoit le métier de cordonnier,
pût nous faire des chaussures. Qn nous donna
des peaux de phoque pour les bottes, et de la
peau de tête d’ours pour les semelles. Sima-
noff fit , avec ces matériaux, des espèces de
bottes de paysan qui portent en Sibérie le
nom de torbassy. Elles étoient très-grandes,
et les traces des matelots occupoient certainement
deux fois autant d’espace que celles
des Japonois ; de sorte que c e u x -c i pou voient
aisément reconnoître d’où elles provenoient.