( )
cident très-déplaisant pour nous, s’en joignit
encore un qui nous tourmenta beaucoup. A u
commencement de fé v r ie r , on enleva à
M. Moor toutes les lettres de T e ské ; quant à
M. Chlebnikoff et à m o i, nous eûmes le
temps de brûler toutes celles que nous avions.
Un homme de se rvice, par l ’entremise duquel
le frère de Teské avoit en vo y é sa dernière
lettre à M. Moor, et qui avoit eu l’imprudence
de la lu i remettre en présence des gardes, fut
congédié. Ceux-c i avoient dénoncé le fait ; de
là , grande rumeur. Le nombre des hommes
de garde auprès de nous fu t renforcé d’un
sergent ou sous-officier. Ce sont ordinairement
des gens âgés que l ’on nomme à cet emp
lo i; on les appelle Koumino-Kaschra ou
commissaire au r iz , parce que leur principale
occupation consiste à recevoir le r iz des magasins
et à le distribuer aux soldats^ car, dans
les îles du Japon, une partie de la solde leur
est payée en riz. A Matsmaï et dans les îles
K o u r ile s , on ajoute au r iz une petite somme
en argent.
E n même temps que l ’on augmenta nos
gardes, l ’on commença à nous traiter un peu
rudement. Nous fîmes des réclamations; des
ordres furent donnés pour que l ’on se conduisît
plus poliment. Nous plaignîmes surtout notre
ami Teské ; sa correspondance avec nouspou-
voit aisément entraîner des suites fâcheuses
pour lu i, vu que dans quelques-unes de ses
lettres il s’exprimoit très-librement sur le
compte de son gouvernement. Il tra ito it, par
exemple, le commandant de Kounaschir de
sot et d’imbécille ; dans un autre passage, iL
disoit : <t Les Russes se conduisent avec magnanimité,
et nos gens en place ne s’en aperçoivent
pas. » Il appel oit chien le Japonois
Gbrodsi qui avoit mal parlé des Russes, etc.
Koumaddjéro et nos gardes essayèrent de
calmer nos alarmes, en nous assurant qu’il
ne lu i arriveroit rien; nous n’ajoutions cependant
pas beaucoup de foi à leurs discours.
Enfin, au milieu de fé v r ie r , Koumaddjéro
nous annonça que notre affaire étoit décidée;
mais quelle étoit la décision? c’est ce que
personne n’osoit, au risque d’une punition
rigoureuse, nous découvrir avant l ’arrivée du
nouveau gouverneur. L ’interprète nous dit
néanmoins que la cour n’avoit pas pris une
résolution fâcheuse pour nous. Cette nouvelle
nous plongea dans la plus grande incertitude,
car nous ne pouvions nous figurer ce qu’étoit
^jette résolution qui ne contenoit rien de bon