Quand les Japonois avoient vou lu nous
gratifier de cet habillement d’apparat, ils nous
avoient apporte plusieurs pièces de très-belles
étoffes, de soie qui ressembloit au damas.
Chaque pièce , de couleur différente , étoit
dans une caisse à part ; ils nous invitèrent à
prendre chacun la couleur qui nous plairoit
le plus. Nous répondîmes que ce point nous
éloit égal, et que nous leur en laissions le
cho ix ; mais ils insistèrent pour que nous nous
décidassions nous-mêmes,parce quecelaavoit
été ordonné ainsi dans la capitale. J’indiquai
donc la caisse la plus proche de moi, et mes
compagnons firent de même sans avoir choisi
d ’avance. Alors les Japonois ouvrirent toutes
les caisses, afin que nous pussions d’abord les
V oir, et nous assurèrent que le gouvernement
avoit enjoint de nous faire des habits
de la meilleure étoffe qui ne se fabriquoit
qu a Mats mai, et de les tailler d’après notre
gout ; q u e , par cette raison, ils avoient dû
nous faire vo ir tout l ’assortiment.
L e lieu désigné pour l’entrevue avec M. R i cord
fut une jolie chambre de la maison de
la douane sur le rivage. Les trois interprètes,
l ’académicien et quelques-uns des employés
inférieurs devoient en être témoins. A midi,
l’on me conduisit à la douane près de laquelle
un grand nombre de soldats se tenoient sous
les armes, vêtus de leur habit de parade. Dans
les grandes solennités ou dans les circonstances
aussi extraordinaires que celle de la
réception d’étrangers , ils ont des habits de
soie ou de ve lou rs, brodés en or ou en argent,
semblables à leurs habits ordinaires à
triple manche, excepté qu’ils sont plus courts.
Cet habit de parade est à l ’empereur; on le
conserve dans les magasins de la couronne,
et on ne le remet aux soldats que lorsqu’ils
doivent s’en revêtir. Ce n’est pas, à proprement
parler, un uniforme, car il consiste en
morceaux d’étoffes différens, et aucun de ces
habillemens ne ressemble à l ’autre.
J’entrai avec les interprètes dans la chambre
des conférences. Les Japonois s’assirent à leu r
manière sur le plancher ; on me donna une
chaise. Bientôt M. Ricord arriva dans la chaloupe
du gouverneur avec M. Savelieff, un
des officiers de la co rv e tte , l ’interprète K is -
seleff et quelques matelots. Ces derniers restèrent
en dehors de la douane. M. R ico rd ,
M. Savelieff et Kisseleff furent introduits dans
la pièce où je me trouvois.