trop roide. L ’orage que nous avions présagé
se dissipa, les nuages se dispersèrent, le temps
s’é c la ircit, et tout sur les montagnes qui nous
entouraient devint visible; nous ne changeâmes
pourtant pas de dessein. En avançant,
nous aperçûmes au fond du précipice deux à
trois huttes sur le bord d’un ruisseau; elles
étoient inhabitées. Après avoir traversé le
ruisseau à gu é , il falloit de nouveau gravir
une montagne extrêmement escarpée , mais
couverte de bois, ce qui rendit notre marche
plus aisée , par la facilité que nous eûmes de
nous accrocher au x arbres, de nous appuyer
contre leurs troncs pour nous reposer, et de
n ’être pas vu s des hauteurs voisines. Nous
avionsfranchiuneélévationassez considérable
quand tout-à-coup un rocher escarpé nous
barra le chemin ; que de fatigues et de périls
il fallut affronter pour parvenir à la cime !
j ’étais sur le point d’y atteindre; mais l ’abattement
de mes forces ne me permettait plus
de me tenir à la ceinture de Makaroff ; j ’app
u y a i donc mon pied dispos contre une pierre,
de ma main droite je saisis un arbrisseau dont
la tige étoit dans une direction presque horizontale,
et j ’attendis ainsi que Makaroff, dont
le poids de mon corps avoit ralenti la marche,
fut parvenu au sommet pour me prêter son
aide; mais à peine l ’a v o it- il atteint, qu’é -
puisé par la continuité de ses efforts, cet
homme extrêmement v igo u reu x tomba par
terre comme mort. Dans ce moment la pierre
qui me soutenoit roula dans l ’abîme, je restai
suspendu par une main sans être en état de
pouvoir m’appuyer contre quoi que ce fû t ,
car le rocher étoit très-lisse. Les autres matelots
n’étoieiit pas très-loin de m o i, mais leu r
lassitude leur ôtoit les moyens de ven ir à mon
secours. Makaroff restoittoujourscoinme privé
de sentiment. M. Chlebnikoflf gravissoit la
montagne dans un autre endroit.
Je demeurai plusieurs minutes dans cette
horrible position; déjà ma main me faisoit
ressentir une douleur violente ; j ’étais décidé
à me précipiter dans l ’abîme profond de plus
de cent pieds ; et à mettre ainsi un terme à
mes maux; Makaroff revient à lu i , se r e lè v e ,
vo it ma po sition, s’approche de m o i, applique
son pied contre une pierre qui touchoit
ma poitrine, empoigne d’une main une
branche de l’arbrisseau, me dit de m’accrocher
de la main gauche à sa ce in tu re , et avec des
efforts incroyables m’enlève au sommet du
rocher; mais i l tombe de nouveau à terre
T oM .lI. 3