mon observation, et ne parlèrent plus de la
lettce.
Cependant Tacataï-Caki, que les Japonois
avoient chargé de suivre les négociations
verbales avec M. Ricord, apprit à ses concitoyens
que les François s’étoient effectivement
rendus maîtres de Moscou, et avoient
réduit cette capitale en cendres, mais qu’ensuite
ils s’étoient hâtés de quitter la R u s s ie ,
où ils avoient perdu une prodigieuse quantité
de monde. Cette nouvelle nous causa une
très-grande surprise, et nous éprouvâmes
une impatience extrême de connoître comment
ces grands événemens s’étoient passés.
J’écrivis donc, du consentement des Japon
o is , un billet à M. Ricord pour le prier de
m’en vo ye r toutes les gazettes qui se trou-
voient sur la corvette. Le lendemain, les in terprètes
m’apportèrent le journal militaire
ainsi que des lettres de mes parens et
de mes connoissances. Je déclârai aussitôt,
que je ne voulois n i décacheter n i lire les
lettres ; puis j ’invitai Teské d’en faire un
p a q u e t , et de les renvoyer à bord de la
Diane. Les interprètes approuvèrent mon
d e s se in , et allèrent le soumettre à leurs
supérieurs. Je prévo yo is, aussi bien qu’eu x ,
que si j?ouvrois et lisois ces lettres, il fau-
droit aussitôt en prendre des copies, les
traduire en japonois, et ensuite les expédier
à la capitale. Les interprètes revinrent bientôt
me dire q u e , jusqu’à notre mise en lib e rté ,
les lettres ne pourroient pas être renvoy ées
à b o rd, mais qu’ils les avoient toutes mises
dans un paquet qu’ils avoient cacheté, et qui
me seroit délivré pour que je pusse le garder
jusqu’à mon départ pour la corvette. Je me
rendis volontiers à cette proposition.
Nous lûmes les journaux avec impatience.
Us contenoient la suite de tous les événemens,
depuis l ’entrée de l ’ennemi en Russie jusqu’à
la mort du prince de Smofensk, le général
Koutousoff. Les Japonois ne montroient pas
moins d’ardeur pour savoir comment les
choses avoient pu prendre une tournure si
surprenante, et nous prièrent de leu r traduire
les incidens les plus mémorables de cette
guerre. Quand nous leur racontâmes comment
les François enfermés dans Moscou avoient
été obligés de se faire un passage par force
et avoient perdu la plus grande partie de leur
armée, ils battirent soudainement des mains,
donnèrent des éloges au prince de Smolensk,
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