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en conséquence diminuer la ration d’eau de
chaque homme, mesure qui n’occasionna pas
le moindre murmure dans l ’équipage. Heureusement
pour nous, le mauvais temps ne
dura que douze jours. Des vents variables et
plus d.oux ne tardèrent pas , comme jl arrive
toujours au x marins, à nous faire oublier les
maux que nous avions soufferts.
Notre satisfaction fu t troublée néanmoins
par un événement affligeant. Un de nos matelots
les plus actifs et les plus expérimentés,
étant occupé à serrer une voile durant la
tourmente, reçut un coup d’une manoeuvre;
on le descendit sur le pont pour lu i donner
les. secours de l ’a rt; ils furent in u tile s , il
avoit déjà rendu le dernier soupir. Dans un
cas semblable, le chirurgien ^uroit dû
grimper au mât; par malheur, le nôtre , qui
a vo it servi dans l’armée de terre, n’étoit pas
accoutumé à ces courses verticales; c’étoit
d’a illeurs un homme zélé et habile. En
partant de Cronstadt, nous en avions un
autre q u i, par raison de san té ,'n ou s avoit
quittés pour retourner à Saint-Pétersbourg.
Dans la position critique où nous nous
trouvions , nous ressentîmes doublement la
perte de ce brave homme. Quand, suivant
l ’u sage, nous lançâmes son corps à la mer
après avoir accompli les cérémonies re ligieuses
, et que je v is l ’équipage fondre en
larmes, je ne pus pas non plus retenir les
miennes, témoignage involontaire de l ’exactitude
et du zèle qu’il avoit mis dans son
se rvice , pendant six ans que nous avions navigué
ensemble au milieu de périls sans
cesse renaissans. Bien peu de personnes se
font une idée de l’attachement étroit qui lie
entre eu x un petit nombre d’hommes séparés
si long-temps de leurs parens et de leurs
amis.
L e 22, en entrant dans la baie des Volcans,
à n éu f heures du matin, nous vîmes trois
baïdars qui s’avançoient vers la corvette.
J’envoyai à leur rencontre un canot commandé
par M. Filatoff, qui bientôt revint
avec eux. Ces baïdars amenoient d ix -h u it
Japonois; sur notre invitation, ils montèrent
sans crainte à b ord 'd e la Diane. Nous leur
demandâmes où il y avoit un port; ils répondirent
que celui de Sangaro se trouvoit à deux
verstes dans le su d , près du cap, et que l ’on
pouvoit y mouiller par vingt brasses de fond.
Ces gens étoient venus purement par çurio-r