tion et peut fournir une instruction salutaire.
Mais je dois, avant tou t, prier le lecteur de ne
pas le condamner avant d’avoir lu mon récit
j usqu’au bout; peut-être alors la haine que l ’on
pourroit d’abord concevoir se changera-t-elle
en compassion pour ce jeune homme réellement
malheureux, et peut-être la p itié accordera
t-elle une larme à sa mémoire.
Depuis que M. Moor étoit revenu avec
n o u s , i l parloit quelquefois aux Japonois
comme un homme absolument hors de sens.
I l assuroit, par exemple, qu’il entendoit leurs
employés et les officiers l’appeler de dessus
le toit et lu i reprocher qu’il mangeoit le riz
et bu voit le sang des Japonois; il disoit aussi
que les interprètes l ’appeloient du m ilieu de la
ru e ,e t qu’ils venoient ensuite pendant la nuit
nous tro u v e r , et délibérer secrètement avec
M. Chlebnikoff et avec moi sur les moyens
de se débarrasser de lui. Quelquefois il parlo
it comme un homme de bon sens, et avoit
toujours un but en vu e . Un jour il racontoit
à Teské que nous avions à bord de la Diane
beaucoup de beaux liv re s,, de cartes, d’estampes
et d’autres choses curieuses, et que
si on vou lo it l’envoyer à bord de ce bâtiment,
il feroit parvenir des présens considérables
aux employés japonois et au x interprètes.
Teslcé lu i répondit que ses compatriotes n’a i-
moient pas les gros présens, et n’en avoient
pas besoin ; q u’ils attendoient simplement la
déclaration de notre gouvernement pour sav
o ir si les bâtimens de la compagnie n’a voient
agi que d’après les ordres de leur commandant.
Une autre fois, M. Moor dit en présence
des interprètes et de l ’académicien que son
dévouement pour les Japonois étoit la cause
de sa ru in e , parce qu’ils ne vouloient pas le
garder chez e u x , et que lu i n’osoit pas retourner
en Russie. « Pourquoi? lu i deman-
« dèrent les interprètes. » — « Parce q u e ,
a r e p r it - il, je voudrois entrer au service de
a ce pa ys , même à celui du gouverneur,mes
« compagnons le savent, notre g ouv e rn e -
« ment en sera instruit; par conséquent, à
« mon retour en Russie, je serai condamné
« au x galères. » A u sujet de cette déclaration,
je dois dire en passant que ce fu t alors que
nous apprîmes de lui-même ses projets pour
la première fois.
Les interprètes, surtout Teské, cherchèrent
de toutes les manières à le tranquilliser, ce Si
« vous a v e z , lu i dit ce d ernier, conçu le désir
a d’entrer au service des Japonois, ce n’est pas