( J96 )
que Batavia avoit été pris par les Anglois;
j ’ajoutai qu’il convenoit d’exiger d’eu x un
aveu formel sur cette affaire. Deux mois après,
les interprètes nous racontèrent que les Hollandois
avoient fini par confesser leur supercherie
et avouer que les Anglois étoient
maîtres de Batavia, et avoient pris aussi le
diplôme du gouvernement japonois qui accorde
aux Hollandois la permission d’en vo ye r
tous les ans deux bâtimens à Nangasaki. Cette
circonstance les avoit contraints d’expédier
cette année des marchandises angloises. D’après
cette déclaration, l ’on mit provisoirement
l’embargo sur les bâtimens et leur cargaison.
Les Japonois partagèrent notre avis, et suiv
iren t d’autant plus volontiers mon con se il,
que je fus obligé de leur donner par écrit,
que quelque temps auparavant nous leur
avions découvert, relativement à la Hollande,
une circonstance importante dont nous parvînmes
enfin à leur prouver la vérité. Les
Hollandois demeurant à Nangasaki avoient
eux-mêmes annoncé aux Japonois que leur
gouvernement républicain étoit devenu monarchique,
et qu’un frère de l’empereur des
François avoit été nommé leu r roi. Postérieu-
( 197 )
renient à cette déclaration, les Hollandois
n’avoient pas dit que leur pays avoit cessé de
former un état indépendant, et qu’il avoit
été réuni à la France; probablement parce
qu’ils n’en savoient encore rien, aucun navire
de leur nation n’étant, depuis plusieurs années,
arrivé à Batavia. Nous parlions souvent
de cet événement avec les interprètes, q u i
nous écoutoient avec indifférence, et ne pou-
voient croire que Napoléon eût si promptement
enlevé un royaume à son frère ; les
Japonois ayant beaucoup de peine à se figurer
qu’en Europe on tirât si promptement des
rois et des reines du néant pour les y plonger
de nouveau. Enfin M. Moor découvrit par
hasard, dans des gazettes russes laissées par
la Diane avec les liv re s , le manifeste de
Napoléon , qui élevoit Amsterdam au rang de
troisième ville de l’empire françois. M. Moor
la montra au x interprètes qui comprenoient
alors passablement le russe ; ils se mirent
aussitôt à traduire le manifeste qui fu t ensuite
envoyé à lédo. Quand on interrogea
les Hollandois de Nangasaki à ce sujet, ils
répondirent qu’ils n’avoient encore rien appris
de cet événement, ce q u i n’est pas difficile
à croire.