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lière donnant sur la cour. Nons autres s i x ,
nous fûmes mis ensemble. Notre nourriture
éprouva la même amélioration que notre
logement. Les alimens valoient infiniment
mieux que ceux que l ’on nous avoit précédemment
servis dans ce même endroit ; en
outre, on nous donnoit chaque jou r une tasse
de saki, des pipes et une petite poche pleine
d’exellent tabac. La théière ne sortoit pas de
notre foyer. On nous fournit aussi des peignes,
des essuie-mains, et même des rideaux pour
nous préserver des cousins très-abondans en
ce lieu.
I l nous arriva dans les premiers temps une
chose assez plaisante. Le plus âgé de nos domestiques
qui nous servoit à table, nommé
Iêské, aimoit passionnément les boissons spi-
r itu eu se s , et pensoit qu’il valoit mieux boire
rarement et beaucoup, que souvent et peu à
la fois. Eh conséquence, au lieu de nous v e r ser
chaque jour une tasse de sa k i, il nous en
versoit d eu x ; e t , en songeant à n o u s , il ne
s’oublioit p a s , car presque tous les soirs i l
étoit iv re . Les gardes s’aperçurent enfin à
quelle source il puisoit pour se mettre dans
cet état, et le réprimandèrent. La semonce produisit
son effet; Ieské cessa de s’enivrer à nos
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dépens ; i l attendoit que nous l ’invitassions à
boire.
Indépendamment de ces fa v e u r s ,le s Japo-
nois nous rendirent nos liv r e s , et nous donnèrent
même de l’encre et du papier. Nous
nous mîmes à recueillir des mots japonois ,
et nousles écrivîmes avec des caractères russes.
Nous finîmes par voulo ir apprendre a écrire
en caractères japonois, et nous priâmes K o u -
maddjéro de nous tracer l ’alphabet de cette
lan gue ; il objecta qu'il lu i falloit préalablement
la permision de ses supérieurs, et ensuite
nous annonça que les lois japonoises dé-
fendoient d’enseigner aux chrétiens à lire et
à écrirè dans la langue de l’Empire; qu’il n’é-
toit donc pas possible de nous accorder cette
permission ; ainsi nous fumes obliges de
continuer à écrire le japonois en caractères
russes.
Une simple cloison en planches minces
nous séparoit de M. Moor. Je demandai à
Teské si nous pouvions lu i parler. <c Certain
em en t, reprit-il; parlez tant que vous v o u d
re z , personne ne s’y opposera. » Je parlai
donc à M. Moor : d’abord il ne me répondit
pas; cependant i l acquiesça à ma proposition
d’écrire une lettre de rernercîment à l ’ancien