monial et les précautions, je n’attendis pas
que Caki fût débarqué, je sautai le premier
à terre. Si je n’eusse pas servi et vécu familièrement
pendant si long-temps avec M. Go*
lo vn in , il m’eut été impossible de le îecon—
noître dans son accoutrement bizarre; mais
du premier coup d’oe il je le distinguai au
milieu d’une foule de Japonois. Quel bonheur
nous éprouvâmes tous deu x en nous embrassant
! J’essaierois vainement de décrire ce que
nous ressentions en ce moment. Il avoit à
peine osé-se flatter de l ’esperance de revoir
jamais sa patrie; de mon cote, j ’avois constamment
douté qu’i l me fût possible de lu i procurer
la liberté , et nous étions dans les bras
l ’un de l ’autre. Les Japonois, par discrétion ,
se tinrent à l ’écart pour, ne pas troubler le
premier épanchement de nos premières sensations
, et causèrent entre eux.
Nous ne pûmes, dans le premier moment,
nous adresser que des demandes et des réponses
sans suite. Notre première curiosité
apaisée, nous parlâmes de l’affaire principale
qui nous intéressoit, et nous eûmes
tout le temps nécessaire pour nous en entretenir.
M. Golovnin me raconta en peu de
mots tout ce qu’il avoit souffert; je lu i ap-
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pris tout ce que je savois de notre patrie,
de nos amis, de nos parens, et je le priai d’en
faire part à nos autres compagnons. Il me tira
ensuite d’une grande erreur dans laquelle
j ’avois été jusqu’alors. Le mauvais état de la
corvette m’a voit fait naître l ’idée de passer
l ’hive r à Chakodade, parce qu’il me sembloit
hasardeux de retourner au Kamtschatka dans
une saison si avancée. Mais quand M. G o lo v nin
m’eut dit que, d’après les lois japonoises,
nous serions, en restant dans le pays, traités
comme des prisonniers, je pensai qu’il falloit
partir au plus tôt. Par son conseil, j’écrivis aux
magistrats à cet effet, et nous nous séparâmes,
avec la douce espérance de nous retrouver
bientôt ensemble pour ne plus nous quitter.
Dans la soirée, Caki v in t nous faire une
visite imprévue , et dont je fus bien content.
I l se trou voit présent à mon entretien avec
M. Go lo vn in ; mais à peu près au milieu de
l ’en tre vu e , il s’avança vers m o i, me dit qu’il
se trouvoit mal à son aise, et me fit des
excuses , s’en alla et ne rev in t plus. Les matelots
qui m’accompagnoient et qui doutaient
encore delà sincérité des Japonois, s’alarmèrent
de la disparition de C a k i, surtout de ce
l