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qu’au trouble de sou imagination. Î1 soutint
qu’ils étoientdans l ’e rreur, et qu’il savoit bien
ce qu’il disoit ; enfin il traita leurs lois de
cruelles, et de barbares. Us lu i répondirent
qu’il pouvoit en penser ce qu’i l voulo it,m a is
qu’elles étoient bonnes pour les Japonois.
Nous sûmes en cette occasion le motif pour
lequel leurs lois défendoient d’avoir de la
confiance aux Japonois qui avoient vécu en
pays étranger. On peut, nous dirent les interprètes,
comparer la foule aux enfans qui sont
bien vite las de ce qu’ils ont; voient-ils quelque
chose de nouveau, ils donneroient volontiers
tout ce qu’ils possèdent pour en jouir.
Il en est de même du peuple ; entend-il dire
à ceux qui arrivent des pays étrangers que
telle et telle chose y est meilleure que chez
lu i , l ’amour de la nouveauté s’empare aussitôt
de son esprit; il v eu t avoir ce dont on lu i
parle, sans réfléchir si cette chose lui sera
u tile ou dommageable.
Quant à la conduite de M. Moor envers
nous, i l ne nous pari oit presque jamais, ou
bien i l s’exprimoit comme un insensé. Souv
en t i l nous faisoit, sans aucun détour, les
propositions les plus singulières. Un jou r il
me dit d’un ton très-résolu qu’i l ne vo yo it
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que deux moyens de nous tire rd ’affarre'; Furt
de prier les Japonois de l’envoye r à bord avec
A le x is , ce qui nous préserverait de notre
perte; mais nous étions bien éloignés d’en
croire ses discours, on en devine aisément le
motif; l’autre moyen nous perdoit sans rémission
, c’étoit de découvrir aux Japonois que
notre voyage avoit eu pour but la reconnois-
sance de leurs côtes, et d’ajouter qu’il étoit
difficile de prévoir s’ils devoient s’attendre de
notre part à la guerre ou à la paix. Je me
contentai de répondre à M. Moor que je ne
concevois aucune crainte; qu’ayant appris à
bien connoître les Japonois, je pensois qu’ils
ne prendraient aucune résolution précipitée;
que les négociations dont il avoit été question
pouvoient commencer d’un moment à l’autre,
et que rien ne s’opposoit à ce que l’issue en
fû t heureuse pour nous. Les matelots conjurèrent
M. Moor, les larmes au x y e u x , de ne
pas causer leur malheur, lu i protestant qu’ils
n’avoient nullement l ’intention de lu i faire
du tort quand ils seraient en Russie. «Je sais
« trop, rép liq u a -t-il, le sort auquel je dois
« m’attendre ; je me souviens que Schkaïeff
« m’a un jou r adressé, en présence du gou-
« v e rn eu r , ces paroles menaçantes : Ne re -