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à l’aide des lunettes, la foule se presser sans
ordre, puis s’emparer du m â t, des vo ile s , d u
gouvernail et de tout ce qui se trouvoit dans
le canot. Nous les vîmes entre autres prendre
sur leurs bras un K ou r ile v e lu qui étoit un
de nos rabieurs, et le porter ainsi jusqu’à la
porte de la v ille qui se ferma dernière eux. Une
tranquillité profonde succéda à ce tumulte;
les murs du fort du côté de la mer furent tendus
de toiles de coton rayées,de sorte que nous
ne pûmes plus vo ir ce qui se passoit dans l ’inté
r ieu r , et personne ne se montra en deçà de
ce mur de séparation. Nous étions livré s aux
tourmens de la plus affreuse incertitude sur
le sort de nos compagnons. En se mettant à
notre place, on sentira ce que nous éprouv
io n s , bien m ieux que je ne pourrois le décrire
; et quiconque connoît l ’histoire du Japon,
sait ce que nous devions attendre du caractère
vind ica tif des habitans.
Je ne perdis pas une minute; j ’ordonnai de
le v e r l ’ancre, et je m’approchai de la v ille ,
supposant q u e , lorsque les Japonois verroient
un bâtiment de guerre si près d’e u x , ils renon
ce roient à leur projet, consentiroient peut-
être à entrer en négociation , et même à nous
rendre nos compatriotes ; mais la profondeur
de l ’eau ayant tout-à-coup diminué jusqu’à
d eu x brasses et demie, nous fûmes obligés de
mouiller de nouveau à une distance considérable
de la ville. Nos boulets pouvoient encore
l ’atteindre, sans cependant lu i causer un
grand dommage; enfin, tandis que nous mettions
la corvette en état de combattre, les Japonois
ou v r iren t, sur la montagne, une batterie
dont les boulets passoient au-delà du
lieu où nous étions. L ’honneur de ma p a tr ie ,
celui de son p a v illo n , respecté par toutes les
nations civilisées et insulté en ce m omen t,
me firent prendre, dans ma juste indignation,
le parti de canonUer la ville. Nous tirâmes à
peu près cent so ix an te -d ix coups, et nous
atteignîmes même les batteries ; néanmoins
nous ne tardâmes pas à nous apercevoir que
nous ne produisions pas sur le fort l ’effet que
nous désirions, parce q u e , du côté de la mer,
i l est défendu par un mur enterre. Le feu de
l ’ennemi ne nous faisoit pas plus de tort. Je
pensai donc qu’il étoit inutile de rester plus
long-temps dans cette position ; je fis cesser
le feu et lever l ’ancre. Les Japonois, devenus
plus hardis, se mirent à tirer à coups perdus
jusqu’à ce que nous nous fussions éloignés.
N’ayant pas assez de monde pour tenter une
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