procurer des vivres sans avoir recours à la
violence; mais il étoit certain aussi qu’après
un coup de ce genre, nous ne pouvions plus
nous attendre à rester avec sécurité dans le
p a y s , car les Japon ois ne manqueroient pas
de redoubler de vigilance, et placeroient des
gardes sur les côtes. Comme il étoit possible
que l ’oecasion de s’emparer d’un bâtiment ne
se présentât pas, nous pensâmes qu’il v au -
droit m ieux prendre deux bateaux pêcheurs,
comme il s’en trouve toujours le long du r ivage
, et gagner une petite île boisée distante
de v ing t-cin q à trente milles dje te rre, et qui,
d’après ce que nous avions appris.? Matsmaï,
étoit inhabitée. Une fois a rriv é s , nous aurions
la possibilité d’y construire une cabane, et
d’y allumer du feu quand nous voudrions.
Nous ne courions non plus aucun risque à
nous y promener sur le bord de la mer, afin
de ramasser des coquillages et des plantes
marines pour notre nourriture. C’étoit un
excellent moyen de pouvoir attendre tranquillement
et pendantlong-temps le moment
favorable pour surprendre un navire chargé
et passant .près de l ’ile par un temps calme;
en effet, depuis trois jours que nous l ’avions
en v u e , nous remarquions que tous les
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navires et les bateaux passoient entre
Matsmaï et cette petite île , et même s’appro-
cboient beaucoup plus?vde la derniere. O r ,
pendant un des calmes qui sont tres-frequens
ici dans lés soirées d’é té , il n’etoit pas impossible
de nous emparer d’un navire qui s’ap -
proclieroit de nous. Dans le cas où cette tentative
ne nous réussiroit pas, nous pourrions
profiter de l’été, saison d u rant laquelle les vents
ne sont pas violens et soufflent presque toujours
de l ’e s t , et gagner avec nos bateaux la
côte de Tartarie qui n’est éloignée de Matsmaï
que de quatre cen t-six verstes ou cent lieues.
Tandis que nous nous occupions dp nouveau
x projets de fu ite , le destin en ordon-
lioit autrement. Nous remarquions, à la v é rité
, que l ’on commençoit à passer par le
sentier tout auprès de nous ; cependant personne
ne nous avoit vu s : en fin , M. C h lebn i-
k o ff aperÇut, à quelque distance, sur une
h au teu r , une femme qui regardoit souvent
vers le lieu où nous é tion s , se tournoit de
tous côtés, et faisoit signe de la m a in , comme
pour appeler du monde. Nous reconnûmes
que ces signes se dirigeoient sur nous ; aussitôt
nous descendîmes dans une ra vin e , afin
de nous glisser dans la forêt ; nous n’étions