que nous buvions de l’eau, etc.; mais nous ne
pûmes pas apprendre pourquoi ils n’avoient
pas voulu mettre la main sur nous.
Toutes les fois que la route passoit par un
v illa g e , les habitans se rassembloient pour
nous voir. Il faut dire, à l ’honneur des Japo-
n o is , que ¡nous ne fûmes jamais en butte
n i à leurs insultes n i à leurs railleries -
tous nous regardoient d’un air compatissant,
et souvent les femmes nous apportaient à
boire et à manger, tant la v o ix de l ’humanité
parloit fortement à ce peuple que nous autres
Européens éclairés, nous traitons de barbare.
A u re s te , le chef de notre escorte nous mon-
troit bien moins de complaisance que les
autres officiers, ses compatriotes, n’enavoient
eu précédemment pour nous. Nous étions
obligés d’a ller toujours à p ied , quoique l ’on
eût pu aisément nous donner des ch e v a u x ;
on ne nous portoit pas comme auparavant
pour passer les ruisseaux et les torrens; il
fa îlo itle s traversera gué : on ne nous donnoit
pas de parapluies, on nous couvroit simplement
de nattes quand il pleuvoit. On faisoit
halte pendant le jou r dans des v illa g e s , mais
seulement pour quelques instans. On nous
se rvo it alors du r iz , des coquillages marinés*
( 5 l )
ou du hareng, et du thé sans sucre. Nous
étions, et surtout moi, excessivement fatigués.
La douleur que je ressentois au pied m’em -
pêchoit d’aller vite ; le commandant de l ’e s -
eortè ordonna donc que deu x Japonois me
soutinssent tour à tour sous les bras; ce qui
fu t exécuté avec la pins stricte ponctualité.
Si,durant la marche,nous demandions à boire,
on s’arrêtoit au premier ruisseau pour satisfaire
à nos désirs. Pendant la nuit, qui étoit
extraordinairement sombre, on nous faisoit
marcher l ’un derrière l ’autre avec la plus
grande précaution; et, devant chacun de nous
ainsi que devant le commandant, l ’on portoit
une lanterne; en ou tre , d’autres gens portant
aussi des lanternes, précédoient et suivoient
notre troupe. Dans les montées et les descentes
escarpées et difficiles, un grand nombre
d’habitans des villages vo is in s , mis en réquisition
à cet effet, couroient en avant; chacun
étoit chargé d’une botte de paille; on les éïa-
loit dans les pas dangereux , et l ’on y mettoit
le feu à notre approche. Un Européen, qui eût
de loin aperçu notre marche de n u it , se fût
imaginé que l ’on portoit en terre l ’enveloppe
mortelle de quelque grand personnage.
Le lendemain 5 mai, nous arrivâmes dans