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revinrent à Matsmaï. Que le lecteur ju g e ,
d’après ses propres sentimens, ce que nous
dûmes éprouver quand nous revîmes nos
compagnons de retour en quelque sorte du
royaume des vivans.Depuis d eux ans révolus,
nous n’avions eu aucunes nouvelles de la
Russie n i d’aucun autre pays de la chrétienté.
Nous ne savions pas même toujours
quels événemens se passoient au Japon; au
reste, ceux-c i pouvoient-ils beaucoup nous
intéresser? notre curiosité étoit sans bornes.
Nous nous imaginions que nous allions apprendre
tout ce qui se passoit en Russie et en
Europe..... Combien nos espérances furent
déçues! Simanoff étoit» dans toute la force du
terme, un de ces hommes qu’on peut ranger
parmi les plus bornés et les plus insoucians.
T u rc s et François étoient pour lu i la même
chose. La politique ni les événemens d e là
guerre ne l ’avoient jamais occupé un seul
instant depuis qu’il étoit au monde. T o u t ce
que nous apprîmes de lu i , fu t que les François,
avec trois autres peuples dont les noms
lu i avoient échappé, étoient entrés en Russie,
et q u ’à soixante verstes de Smolensko ils
avoient éprouvé une rude défaite, et que
plusieurs millie rs avoient été tués. Le reste
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et Buonaparte à leur tête avoient pris leurs
jàmbes à leur cou (1). Mais quand cela s’étoit-
il passé ? par qui les armées étoient-elles
commandées ? quelle avoit été la fin de ces
événemens? c’est ce que Simanoff avoit oublié.
Nous nous consolâmes du moins, en réfléchissant
qu’il n’avoit pas pu imaginer ces
récits, et qu’ils devoient être vrais. D’ailleurs
Simanoff put nous raconter à merveille que
Fomka Mitrofanoff s’étoit marié, que S é -
niouska Clebalkin étoit mort, et autres événemens
aussi importans, dont il parla dans
le plus grand détail, comme s’il se fût trouvé
à la noce et à l ’enterrement. Ses camarades
écoutèrent avec le plaisir le plus v i f ces récits
qui ne s’étendoient pas au-delà du cercle
étroit de leurs idées. A u reste, nous fûmes
satisfaits du compte fidèle que Simanoff nous
rendit de nos amis; tous se portoient bien. I l
nous raconta aussi .comment les Japonois
avoient négocié avec nos compatriotes; c’est
ce dont je ne dirai r ie n , parce que la relation
de M. Ilicord donnera sur ce sujet de plus
amples renseignemens. Je ne rapporterai donc
(1) Au moment où la Diane partit duKamtschatka,
1 on n y savoit encore rien de ce qui étoit arrivé depuis
la bataille de Smolensk.