tranquillité admirable : « c’est bon, je suis
« prêt. » Il me pria seulement de ne pas
etre séparé de moi quand nous serions en
Russie, ce que je lui promis; ajoutant q u e ,
1 annee suivante, je le ramenerois dans sa patrie.
Alors il se résigna complètement à son
sort.
Les quatre Japonois que nous avions ramenés
de Russie n’entendoient pas un mot
de notre langue; ils ne pouvoient par conséquent
nous être d’aucune utilité ; en outre ils
étoient rongés du s c o rb u t, et seroient sans
doute morts au Kamtschatka s’ils y avoient
passé un h iv e r de plus. Je pensai donc qu’il
étoit juste d e le s mettre en lib e r té , ainsi que
leurs camarades qui avoient déjà été envoyés
à terre; je leur fournis tout ce dont ils avoient
besoin , et je les fis déposer sur l’île. T ou t me
fait espérer que , par un sentiment de gratitude,
ils auront propagé parmi leurs compatriotes
une bonne opinion des Russes. Je me
décidai, en les renvoyant, à les remplacer par
quatre hommes du bâtiment dont nouis venions
de nous rendre maîtres, qui seroient
employés au service de leu r patron, et je
laissai à celui-ci le soin de les choisir. Mais il
me pria instamment de ne pas prendre do
matelots sur mon b o rd , parce qu’ils étoient
stupides, avoient une fra yeu r extraordinaire
des Russes, et pourraient mourir de chagrin.
Les supplications de Tacatàï-Caki ébranlèrent
un peu l ’opinion où j ’étois que mes compatriotes
vécussent encore; je lu i déclarai donc
très-positivement que je prendrais avec moi
quatre de ses gens. Alors il me demanda la
permission d’aller avec moi sur son bâtiment.
Quand nous y fûmes, il rassembla tout son
monde dans la chambre, s’assit les jambes
croisées sur un long coussin étendu sur une
natte simple et très-propre, et m’invita à
m’asseoir près de lu i. Tous les matelots s’agenouillèrent
devant nous. Tacataï-Caki leur
adressa un long discours pour leur annoncer
que quelques-uns d’entre eu x de voient l’aq*
compagner en Russie.
Alors commença une scène extrêmement
touchante. Plusieurs matelots s’ approchèrent
de leur chef, la tête baissée, et lu i dirent
quelques mots avec beaucoup de feu ; la p lu part
avoient les larmes aux y eu x . Lui-même
dont l’ame avoit j usqu’alors conservé sa force
et sa tranquillité , se mit à pleurer. J’hésitai
un instant à effectuer ma résolution; la nécessité
seule m’y fit persister, afin, d’apprendre