ne nous en instruisissent pas, et que par la
nous ne fussions dans une ignorance complète
de sa venue et de ce qu’elle pourroit entreprendre.
Pour nous désennuyer, nous fumions, nous
lisions nos liv re s , nous écrivions et nous
apprenions des mots japonois. I l me vin t dans
l ’idée d’écrire aussi sur de petits morceaux de
papier tout ce qui nous étoit a rriv é , et mes
observations sur ces événemens. Je me mis
donc à l ’ouvrage, mais je rédigeai mon récit
de manière que personne, excepté moi, n’au—
roit été en état de le déchiffrer; tant il offroit
de mots à moitié écrits, de signes, enfin un
mélange de russe, de françois et d’anglois.
Craignant aussi qu’il ne prît quelque jou r
a u x Japonois la fantaisie de nous fo u ille r ,
et de m’en lever mes notes, je les cachai dans
une poche longue et étroite que SiinanofF
m’avoit faite d’une vie ille veste, et que je
portois constamment à ma ceinture. Au reste,
la conduite des Japonois ne devoit pas nous
donner lieu de soupçonner qu’ils songeassent
à nos papiers; car-, lorsque nous nous évadâmes,
le brouillon de notre première requête
au gouverneur se trouva sur Schkaïeff;
le s Japonois le prirent, et ne nous en pai^
/
lèrent plus. L a boussole que M. Chlebnikoff
avoit faite tomba aussi dans leurs mains; ils
ne s’enquirent cependant pas de 1 usage de
cet instrument,probablement parce qu ils ne
savoient pas que c’étoit une boussole; autrement
ils nous eussent bien certainement demandé
comment nous l ’avions fabriquée. Je
suppose qu’ils prirent cet instrument extraordinaire
pour un talisman.
Simanoff âvoit eu recours à un moyen assez
singulier pour dérober son couteau au x re cherches
des Japonois. Pendant que l’inspecteur
de la prison nous fo u illo it, M. C h lebn i-
k o ff et m o i, les Japonois tenoient les y e u x
fixés sur nous; néanmoins Simanoff eut assez
de hardiesse pour enfoncer ce couteau en
terre près de la cage qui lu i étoit destinée.
Pendant la n u it, il avança la inain hors des
barreaux, et le retrouva. Depuis ce moment,
il resta dans nos m ains, et je le garde encore
à présent comme un souvenir de cette époque.
Le nouveau gouverneur f it v o i r , par sa
conduite, q u’il avoit pour nous non moins
de bienveillance que son prédécesseur. Nous
ne pouvions sortir de notre lo g em e n t l e s
lois du Japon le défendoient; il ordonna de
tenir les portes de notre demeure ouvertes