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Kounaschir. Ce ne fut que le 28 que nous
pûmes entrer dans le port de cette dernière
lie auquel nous avions, l ’année précédente,
donné le nom de baie de la Trahison.
En passant à portée de canon des fortifications
du fo rt, nous vîmes qu’on avoit établi
une nouvelle batterie de quatorze canons,
sur deux lignes l ’une au-dessus de l’autre.
Dès que nous eûmes paru à l’entrée de la
h aie, les Japonois së ca chèren t; on ne tira
pas sur nous , nous n’aperçûmes pas lé
moindre mouvement. Du côté de la mer, le
fort étoit tendu de toiles rayé es, qui ne
nous laissoient découvrir que les toits des
grandes casernes. Tous les canots étoient
halés à terre. Cette réunion de circonstances
nous fit supposer que les Japonois étoient
revenus à de meilleures idées; nous mouil-
lâm es donc à deux milles du fort. J’ai dit
plus haut que le japonois Léonsaïmo que
nous avions à bord entendoit un peu le
russe. S ix ans auparavant, Chvostoff l ’avoit
enlevé de l ’île d’Itouroup. Nous é c riv îm e s ,
avec son a id e , une lettre en japonois au
commandant de l ’île. C’étoit un extrait d’un
mémoire rédigé par le gouverneur c iv il d’Ir-
koutsk. Ma missive exposoit les raisons qui
avoient fait expédier la Diane aux îles du
Japon; e t , après avoir raconté la trahison
dont M. Golovnin avoit été la v ic tim e , je
continuois ainsi : « Malgré cette action hosT
(f. tile et tout-à-fait inattendue, nous sommes
« obligés de nous conformer exactement aux
k ordres de notre souverain; nous ramenons
« donc tous lés Japonois qui ont fait Haute
frage sur les côtes du Kamtschatka; ce qui
« prouve que nous n’avons pas la moindre
a intention d’agir en ennemis, et nous espé^-
« rons avec confiance que Io n nous rendra
« les prisonniers, puisqu’ils sont inuocens
a et n’ont fait de mal à personne. S i, contre
« toute espérance, il n’en étoit pas a in s i,
te soit parce qu’il faut peut-etre attendre la
ta décision du gouvernement japonois, soit
te par d’autres raisons , nous reviendrons
te l’année prochaine, et nous ferons la meme
« demande. »
Léonsaïmo, sur qui nous avions fonde tout
notre espoir , nous dévoila son caractère
fourbe , en traduisant cet écrit. Quelques
jours avant notre arrivée à K o u n a s ch ir , je
l ’avois prié de s’occuper de cette traduction ;
niais il prétextoit toujours que la lettre étoit
trop lon gue , et qu’il ne savoit pas traduire.