« ports avec ceu x -c i, 11e leur parlez qu’a bord
« de vos canots , et tenez-vous hors de
cc portée du canon des forts. Ne vous forma-
« lisez pas de la lenteur de cette nation. Nous
« savons par expérience que des affaires de
« très-peu d’importance q u i , en Europe *
« seroient terminées en un jou r ou d eu x ,
« traînent ic i des mois entiers. En général
« je vous conseille de bien observer ces
« quatres points principaux : prudence ,
« patience, politesse., franchise. De votre
« conduite réservee et reflechie dépend non*
« seulement notre délivrance , mais aussi
« l’avantage de notre patrie. J’espère que, par
« suite de notre malheur a c tu e l, la Russie
« regagnera ce qu’elle a perdu par la demence
(( ¿ ’un seul individu. Vous connoitrez
« mon opinion sur ce sujet avec plus de
« détail et d’exactitude en interrogeant le
« matelot que j ’ai instruit à cet effet. II ne
« convenoit pas de le charger de papiers; c’est
« aussi pourquoi je n’ai pas écrit au ministre.
« Sachez seulement que si 1 honneur de
« notre souverain et l’avantage de notre
« pays l’e x ig en t, je ne fais pas plus de cas de
« ma v ie que d’un copek. A in s i, dans des
« circonstances de ce genre, ne comptez
:<c ma v ie pour rien. I l faut bien finir par
.« mourir , soit maintenant, soit dans v in g t
« ans, où dans trente ans. I l me paroît d’a il-
« leurs très-indifférent de recevoir la mort
« dans un combat ou de la main des méchans.
« Être englouti dans la m e r , ou expirer
« tranquillement,dans un l i t , la mort est la
« même, elle ne diffère que par la manière
« dont on finit. Je t’en p r ie , mon cher am i,
« écris pour moi à mes frères et à mes amis.
« Peut-être le destin a - t - il décidé que je les
« verrai encore, p eu t-ê tre a - t- il v o u lu le
« contraire. Dans le dernier cas, d is -leu r
« de ne pas me plaindre, et que je leur sou-
« haite du bonheur et de la santé. Je t’en
« prie encore : au nom de Dieu, ne permets à
« personne de m’écrire , n i de m’en vo y e r
« quoi que ce soit , afin que je ne sois pas
« tourmenté ici de questions et de traduc-
« lions : seul tu m’é c r ira s , et en quelques
« lignes tu me feras connoître ta résolution.
« Je te charge de compter cinq cents roubles,
« sur ma succession , au matelot que je t’ai
« envoyé. Assure les officiers nos compagnons
« de monattachementetdemon estime;salue
« de ma part tout l ’équipage. J’éprouve le
« sentiment de la plus v iv e gratitude, en