rues de la v ille . Nos gardes vinrent*aussitôt
à nous avec des lanternes, et nous prièrent
de ne pas nous inquiéter, ajoutant que ce n’é-
toit qu’un tremblement de terre, qui sont très-
fréquens dans ce lieu , mais nullement dangereu
x . C’était peut-être de leur propre mouvement
que les gardes faisoient cette démarche;
c a r , quoique la plupart se conduisissent assez
grossièrement envers n o u s , je dois pourtant
dire a l ’honneur des Japonois que quelques-
uns nous témoignèrent réellement de la bienveillance
, et cherchoient à nous consoler, surto
u t Gooiso que j’ai déjà nommé. Souvent il
nous apportait des friandises, de manière que
ses camarades ne s’en aperçussent pas; il nous
disoit fréquemment de demander de l ’eau et
de garder le vase; ensuite il attendoit un moment
favorable, vidoit l ’e a ü , et la remplaçoit
avec l ’infusion de thé préparée pour lui. Deu x
autres soldats se montrèrent aussi obligeans ;
ce fu t surtout chez un des soldats qui étoit de
garde dans l’intérieur la nuit où nous prîmes
la fu ite , que nous trouvâmes l’exemple le
plus remarquable d’un caractère humain et
charitable.il faisoit partie d u détachement qui
nous poursuivoit : mais ce n ’était plus comme
soldat, on l ’avoit dégradé. Depuis le moment^
où l ’on nous arrêta j usqu’à celui de notre arrivée
àMatsmaï, il futconstament avec nous.
Sa barbe qu’il n’a voit pas rasée, ses longs chev
e u x épars, son visage pâle annonçoientle chagrin
dont nous étions la cause. Cependant, des
qu’il nous r e v it, il nous salua de l ’air le plus
amical, ne laissa pas la moindre marque de
mécontentement ou de haine paroître sur son
visage, et, durant toute la ro u te , mit le plus
grand empressement à nous s e r v ir , quoiqu’il
n’y fût pas obligé , carles autres soldats se conduisirent
bien différemment envers nous. La
générosité de ce brave homme nous émut souvent
jusqu’aux larmes.
Depuis notre a r r iv é e , ni l ’interprète n i le
médecin ne venoient nous v o ir ; cependant
les matelots avoient souvent demandé qu’on
leu r envoyât le dernier; i l n’y avoit que les
officiers de jour qui nous visitoient quelquefois.
Peu de jours après notre dernière conférence
avec le go u v e rn eu r , je fus conduit seul
au château. Les deux premiers magistrats,
après le b o u n io , s’y trouvoient réunis à plusieurs
de leurs collègues. Ils me firent d’abord
donner une chaise, puis m’adressèrent leurs
questions. Avant que j’entrasse dans la salle,